Vide du côté du Front National, insuffisant pour En Marche!, Jean-Christophe Salles, instituteur en zone d’éducation prioritaire, rend un bulletin de notes très mitigé pour les programmes des deux candidats en matière d’éducation.
Instituteur à l’école primaire Elsa Triolet, située en zone d’éducation prioritaire à Basso-Cambo, Jean-Christophe Salles a observé attentivement la mesure phare d’Emmanuel Macron en matière d’éducation. Le candidat d’En Marche! souhaite en effet diviser par deux les effectifs des classes de CP et CE1 en REP (Réseau d’éducation prioritaire) et REP +. « C’est une très bonne idée, mais il y a un sacré doute sur son application. Ne serait-ce qu’au niveau pratique. Dans notre école, il y a sept salles de classe. Si on répartit les 55 élèves de CP/CE1 par effectifs de 12, cela occupe cinq salles. Que fait-on des 85 élèves de CE2/CM1/CM2 restants ? De plus, quand je vois qu’il n’envisage de créer que 4000 à 5000 postes supplémentaires, le compte n’y est pas », explique l’enseignant. Il voit en revanche d’un très bon œil les deux propositions accompagnant le dispositif : une prime annuelle de 3000 euros nets pour les enseignants en zone prioritaire, ainsi que l’impossibilité d’y affecter les professeurs (hors choix motivé) durant leurs trois premières années d’exercice. « Cela va aider à attirer plus d’enseignants , mais je ne sais pas si cela suffira à résoudre le problème des inégalités. La solution passe à mon avis par un recrutement bien plus important. Des études montrent qu’investir massivement dans l’éducation est forcément rentable, mais à 20 ans. La vision court-termiste d’Emmanuel Macron me fait un peu peur ».
Fondamentaux
Quant au programme de Marine Le Pen, Jean-Christophe Salles le juge tout simplement « indigent » : « sur l’école primaire, elle ne parle que de rétablir l’autorité du maître en instaurant l’uniforme. C’est ridicule, on est dans le paraître. Et les chaussures, on fait comment ? Comme s’il suffisait de décréter l’autorité. Il faudrait déjà que l’État montre qu’il respecte les enseignants et que la situation des gens soit moins précaire ». Autre point présent dans le programme frontiste, la priorité donnée aux apprentissages fondamentaux : lire, écrire, compter. Sur le sujet, le professeur renvoie les candidats dos à dos : « Emmanuel Macron et d’autres aussi en ont parlé au premier tour. Ça me fait rire car c’est ce qu’on fait depuis 15 ans, maîtriser le Français est déjà la priorité. Par contre, on lit forcément mieux avec ce que l’on sait du monde, donc sacrifier la géo ou d’autres matières me paraît un mauvais calcul ».
Rythmes scolaires et autonomie
Les deux candidats se retrouvent aussi sur la critique de la réforme des rythmes scolaires. Marine Le Pen parle seulement d’y « revenir » tandis que son adversaire souhaite laisser l’initiative aux établissements. « En gros, cela signifie autonomie, recul de l’État et donc augmentation des inégalités selon la richesse des communes. C’est comme pour le bac, Emmanuel Macron veut y introduire plus de contrôle continu qui est effectivement une manière plus fiable d’évaluer les compétences, mais qui pose aussi un souci d’égalité selon les endroits », assure Jean-Christophe Salles. Pour lui, aucun candidat ne s’en prend donc au vrai problème, le budget : « Cela fait des années qu’on fait des ajustements par-ci, par-là tout en essayant de réduire les coûts. Pourtant il suffirait de s’attaquer à l’évasion fiscale pour avoir largement les moyens de faire les réformes nécessaires ».
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