Depuis 1999, l’Association des chiens guides d’aveugles du Grand Sud forme gratuitement une dizaine de compagnons de route par an pour les personnes non voyantes ou malvoyantes. Aujourd’hui, c’est jour d’entrainement en centre-ville de Toulouse.
«Lucky, au pied ! Assis !» Allée Jean-Jaurès, un chien sort d’un utilitaire de l’Association des chiens guides d’aveugles, et vient s’assoir à côté d’une jeune femme. Lui, c’est Lucky ou Loulou pour les intimes. Un labrador en cours de formation pour apprendre à orienter une personne non-voyante ou malvoyante en pleine ville. Elle, c’est Edith, son éducatrice. L’animal une fois harnaché, l’exercice du jour peut commencer : direction place Wilson pour une immersion en situation réelle. «Lors des entrainements, on recherche la difficulté car Lucky doit pouvoir s’adapter à tous les contextes», explique l’éducatrice, d’un ton passionné.
Un premier obstacle se présente à eux : il faut traverser le passage piéton du carrefour Jaurès-Carnot. Lucky s’arrête face aux bandes blanches, puis les deux compères franchissent la rue et le chien se fige à nouveau. Les deux pattes arrière encore sur le passage piéton et celles de devant posées plus haut sur le trottoir. «C’est pour signaler qu’il y a un changement de niveau», décrypte Edith, fièrement. Elle plonge alors sa main dans un petit sac qu’elle porte en bandoulière : «c’est la sacoche à récompenses», lance-t-elle. L’éducatrice en sort un biscuit et le tend à Lucky qui s’empresse de l’engloutir. Depuis le début de l’exercice, il est calme, obéissant, attentionné et même câlin. «C’est un amour de chien», assure Edith.
Chaque animal a sa personnalité et l’association veille à ce que le duo guide-maître soit bien assorti. «On ne donnera pas un partenaire qui bouge sans arrêt à quelqu’un de plan-plan.» Il est important qu’ils forment une équipe : à aucun moment, le chien ne décide seul de la direction à suivre ou s’il faut traverser ou non. La prise d’initiative ne vient pas de lui : il obéit aux ordres. Ainsi, à la manière d’une agence de rencontre, la structure apprend avant tout à connaître les caractéristiques de chacun pour former le duo idéal. Sont pris en compte par exemple, l’allure de marche, le rythme de vie, ou la situation familiale de l’accueillant. L’équipe arrive rue Alsace-Lorraine, la pluie se met soudain à tomber en trombe. Il est plus difficile pour Lucky de guider dans ces conditions : «toutes les odeurs remontent du sol et peuvent le troubler.» Mais imperturbable, le chien tient son rôle.
En centre-ville, plusieurs choses peuvent rendre le guidage plus délicat : «Par exemple, quand il y a beaucoup de monde, quand les endroits sont très sales, quand il croise des chiens détachés.» Mais les canidés sont éduqués pour rester concentrés sur leur mission, même en face d’un élément perturbateur. «S’il voit à manger sur le trottoir, il ne va pas aller le renifler car il doit rester concentré sur le guidage», explique Edith. Soudain, Lucky s’arrête. Un ruban de signalisation bloque le passage et avertit que des travaux sont en cours. Edith joue le jeu et se comporte comme une personne non voyante. Elle insiste sur la direction qu’elle veut prendre : «Tout droit !» Sauf que manifestement, ça n’est pas possible. Le chien prend donc sur la droite, contourne l’obstacle et revient sur le trottoir. Exercice réussi pour le canidé qui se régale déjà d’un biscuit-récompense.
À suivre cet entrainement, la ville apparait sous un nouveau jour et révèle ses nombreux obstacles. Ici, des encombrants dispersés sur le macadam, là, un vélo mal garé ou encore un trou dans la chaussée. «Quand il y a une difficulté, il doit trouver une solution de lui-même sans changer pour autant la trajectoire prévue. La personne ne doit même pas se rendre compte qu’elle évite quelque chose», explique Edith. Mais Lucky ne permet pas seulement de contourner les lieux gênants, il peut aussi trouver la porte d’un commerce ou une chaise en plaçant son museau dessus. Plus loin, aux abords du marché Victor Hugo, un camion décharge sa marchandise : le passage devient exigu. Mais pas de panique, le chien maîtrise la situation. Il ralentit simplement le pas pour signaler à son maître que la voie est étroite. La fin de l’exercice arrive et Lucky semble fin prêt pour prendre bientôt ses fonctions.
En janvier, le début d’une nouvelle aventure commencera pour lui. Il rencontrera son nouveau maître : un judoka, sportif de haut niveau.
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