La société Gaches Chimie, basée à Toulouse, vient de remporter une victoire judiciaire contre le groupe allemand Brenntag. Ce géant de la distribution de produits chimiques a été condamné à une amende de 52 millions d’euros, par la Cour d’appel de Paris, pour entente anticoncurrentielle en France.
C’est l’histoire d’une PME familiale toulousaine parvenue à faire plier un grand industriel allemand. La Cour d’appel de Paris a en effet condamné, le 3 décembre dernier, le distributeur Brenntag et son ancienne société mère Deutsche Bahn à des amendes de respectivement 47 et 5,2 millions d’euros pour entente anticoncurrentielle dans le secteur de la distribution de produits chimiques en France. Une nouvelle victoire dans un combat initié par la société Gaches Chimie, basée à Toulouse, il y a plus de 15 ans. « De 1998 à 2006, Brenntag a mis en place un système généralisé d’entente sur les prix avec d’autres acteurs du marché. Il y a eu des appels d’offres truqués, des répartitions de clientèle, des augmentations tarifaires concertées : un catalogue des comportements interdits », rapporte Pierre Gaches, PDG de Gaches Chimie, le seul à les avoir dénoncés en portant plainte.
« Nous avons pu porter l’affaire en justice parce que nous étions libres : nous n’avons jamais accepté de passer aucun accord illicite, jamais goûté à cette drogue », lance-t-il. Contrairement à plusieurs entreprises, qui ont depuis longtemps reconnu leur participation à ce cartel. Elles ne sont d’ailleurs pas nombreuses à se partager ce marché assez méconnu des « commodités chimiques », qui fournit les besoins en produits chimiques de base (solvants, soude, javel, acides…), que l’on retrouve ensuite dans la plupart de nos biens de consommation. C’est un secteur qui pèse lourd, le seul chiffre d’affaires de son leader, Brenntag, dépassant les 13 milliards d’euros en 2019. À titre de comparaison, celui de Gaches Chimie sera de 145 millions d’euros cette année.
L’Allemand a encore la possibilité d’un recours juridique, s’il porte l’affaire devant la Cour de cassation. « Avec cette entreprise, tout est possible. Elle a déjà déposé six questions prioritaires de constitutionnalité et continue de nier les faits », indique Pierre Gaches. Il regrette que la sanction arrive trop tard pour que les entreprises victimes puissent engager des procédures d’indemnisation. Et se demande quelle sera la réaction des clients et des fournisseurs à l’annonce de la condamnation de Brenntag, si elle est définitive. « Cela va-t-il influencer leur stratégie ? Est-ce que leurs engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale en tiendront compte ? Il y a malheureusement une sorte d’inertie après la découverte de tels faits délictueux, qui continuent longtemps à produire leurs effets », déplore le PDG.
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
Voir les publications de l'auteur
Commentaires