SANS FILTRE. Benjamin Charat est tabacologue à l’hôpital Joseph Ducuing de Toulouse. Il applique la seule méthode de sevrage tabagique prise en charge par la sécurité sociale. Une thérapie comportementale et cognitive qui a fait ses preuves.
« Arrêter la cigarette n’est pas une question de volonté mais de motivation. » Et si un fumeur vient consulter Benjamin Charat, c’est qu’il est motivé. Dans sa tête – là où tout se passe –, il a déjà effectué la moitié du chemin. Avec le médecin, il va alors recenser tout ce qui lui déclenche l’envie de fumer. C’est l’aspect comportemental de la thérapie. En moyenne, sur un paquet de cigarettes, seules deux sont prises par plaisir. Les autres, par automatisme. Comme le chien de Pavlov qui salive en entendant sa gamelle, le fumeur est conditionné : il associe la cigarette à toute une série de signaux émotionnels ou environnementaux (stress, concentration, café, alcool, etc.). « Ce sont les ennemis. Si on arrive à les repérer, on obtient une carte du champ de bataille et on peut échafauder une stratégie de défense », témoigne Benjamin Charat, qui, depuis 18 ans, mène une guerre sans merci au tabac. Outre l’apprentissage de tactiques d’évitement ou de remplacement, cette étape doit aussi persuader le fumeur de l’intérêt indéniable de l’arrêt du tabac sur sa qualité de vie : « Quand il se rend vraiment compte que son comportement est contraire à sa volonté, il passe à l’action et le processus de sevrage débute. » Le patient écrit alors, à la main, une lettre de rupture à la cigarette. Il lit et relit, plusieurs fois par jour, la liste de tous les attraits d’une vie sans elle. Et il fixe une date d’arrêt définitive.
Puis, on s’en prend à la dépendance physique, particulièrement intense en ce qui concerne la nicotine. Si une personne sur dix buvant de l’alcool en est fortement dépendante, pour le tabac, c’est huit sur dix. Une drogue tout aussi addictive que la cocaïne. Ici, un soutien chimique est le bienvenu : les patchs et autres substituts vont venir saturer les récepteurs nicotiniques qui se trouvent dans le cerveau: « Cela va les endormir, mais ils restent là, comme une ampoule éteinte qu’on ne peut pas enlever. C’est l’empreinte addictive, qui est indélébile. C’est pourquoi à la moindre cigarette, c’est la rechute garantie ! », prévient Benjamin Charat. À l’origine de cette empreinte, il y a toujours un manque d’estime de soi, de confiance en soi et une mauvaise image de soi. C’est l’aspect cognitif de la thérapie. Le sevrage permet de gagner sur ces trois tableaux et donc d’agir sur l’empreinte addictive : « A ce stade, il naît un cercle vertueux, où le patient devient son propre thérapeute. » Ce n’est pas pour autant qu’il est tiré d’affaire : 90 % de ceux qui arrêtent de fumer reprennent la cigarette au bout d’un an. Pour tenir, rester abstinent, l’aide du tabacologue est indispensable : « Plus on essaie et plus le taux de réussite augmente. Le seul échec, c’est l’immobilisme. »
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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