Médiation. Comment faciliter la cohabitation entre les grands prédateurs et les hommes ? Une question sur laquelle s’est penché Farid Benhammou, docteur en géographie de l’environnement. Pour lui, il s’agit se sortir d’une logique de vengeance et de mettre en place une nouvelle politique publique.
Farid Benhammou ©DR
“Une cohabitation apaisée entre l’humain et les grands prédateurs est possible, à condition que les deux espèces fassent des concessions “. Chacun doit accepter la présence de l’autre. Mais cela semble difficile, l’un étant potentiellement le nuisible de l’autre. Pourtant, dans certaines régions d’Europe comme la Slovénie, où l’ours n’a jamais disparu, la cohabitation est plus naturelle. ” Les préjudices qu’il cause sont acceptés, au même titre que la grêle ou l’invasion de parasites pour des agriculteurs “, rappelle le chercheur. Non pas comme une résignation mais plutôt comme l’acceptation d’une nuisance naturelle.
Farid Benhammou parle ainsi de ” perte de mémoire “ de la part des éleveurs français qui, avant l’extermination de ces espèces dans les années 1990, avaient intégré les potentiels dégâts causés par les prédateurs. “ Il faut revenir à cet état de fait “.
Il dénonce également une gestion de cette cohabitation trop standardisée en France. En effet, l’uniformisation des aides notamment engendre de fortes tensions. Elles ne prennent pas en compte les spécificités de certaines zones, les différences de modalités d’élevage en fonction des régions. En revanche, en Slovénie, en Italie ou en Espagne, “ la gestion locale, liée à de grands parcs régionaux, et les indemnisations variées versées aux éleveurs, permettent une meilleure appréhension de la part de ces derniers “.
Pour améliorer la situation, il évoque également une révision des indemnités allouées aux propriétaires de troupeaux ayant subi des attaques d’ours ou de loups. “Je pense à un système d’aides forfaitaires et d’assurances. Aujourd’hui, qu’un éleveur ne fasse rien pour se prémunir de ces préjudices ou qu’il investisse dans des moyens dissuasifs, l’indemnité est la même. On ne les pousse pas à agir”, explique-t-il.
Une enveloppe, versée en début d’année, pour l’achat de clôtures, de chiens ou autre, et pour les pertes estimées seraient pour lui plus judicieux. “Ainsi, si aucun incident n’est enregistré, tant mieux pour l’éleveur qui aura pu investir dans des moyens dissuasifs. Et s’il subit trop de dégâts parce qu’il n’a rien mis en place, tant pis pour lui ! ” s’exclame Farid Benhammou. Cela responsabiliserait, selon lui, les éleveurs.
Il faut former des médiateurs “ pour assurer l’interface entre les problèmes réels et l’élaboration des politiques publiques en matière de prélèvements, de déplacements de spécimens, de tirs d’éloignements… “. Pour cela, il prône le développement de structures visant à aider les éleveurs. “Par exemple, la Pastorale pyrénéenne, organisation parapublique, les accompagne pour dresser les chiens de protection, les informe sur les différents outils d’éloignement, etc. Cela permet également à l’État de prendre connaissance des problématiques concrètes”. Pour les concevoir, Farid Benhammou avance l’idée d’avoir recours à la recherche (sociologie, géographie, gestion…) afin de mener une réflexion constructive entre les acteurs agricoles et les pouvoirs publics.
Mais reste encore à convaincre pour initier une dynamique positive allant vers une politique volontariste. Cela permettrait à l’Homme et aux prédateurs de vivre ensemble.
Severine Sarrat
Au journal depuis 2008, elle en connaît tous les rouages. D’abord journaliste polyvalente, puis responsable des pages économiques, elle est aujourd’hui rédactrice en chef.
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