Ce lundi 21 juin, de nombreux internautes ont partagé sur les réseaux sociaux des clichés d’impressionnants nuages survolant Toulouse et parfois qualifiés de supercellulaires. Thomas Beauquesne, prévisionniste à Météo France, revient sur les violents épisodes orageux qui ont frappé l’Occitanie.
#supercellule en approche de #Toulouse. Nette rotation du #mesocyclone visible à l’œil nu et base en cours d’abaissement.. forte grêle probable pic.twitter.com/5mKAmoSNI5
— Alexandre Flouttard (@stormchaser_a81) June 21, 2021
Le Journal Toulousain. De nombreux internautes ont partagé des clichés de nuages qu’ils ont parfois qualifié de supercellules ou supercellulaires. Ce phénomène est-il exceptionnel ?
Thomas Beauquesne. Tout d’abord, il convient de préciser que ce sont les orages et non les nuages que l’on qualifie de supercellulaires. Il y a effectivement un lien entre l’ampleur du nuage – plus haut, plus sombre et plus menaçant – et l’intensité de l’orage mais c’est l’observation d’un ensemble de phénomènes tels que de fortes rafales, d’éventuelles tornades ou de violentes pluies qui vont nous permettre de qualifier un foyer orageux de supercellule. Dans le cas de ceux qui ont été observés hier en Occitanie, nous penchons plutôt pour des orages multicellulaires, c’est à dire avec plusieurs foyers orageux. Notamment parce que nous n’avons pas relevé de rafales bien qu’il y ait eu de la grêle et des phénomènes très violents.
Nous avons donc assisté à un banal orage ?
Il ne faut pas non plus minimiser. Même s’ils n’ont pas été exceptionnels, ces épisodes orageux ont tout de même été localement violents et accompagnés de très fortes pluies. Mais les orages se sont déplacés assez vite et le cumul des précipitations est donc finalement resté modéré.
Les internautes se sont-ils trompés en parlant de supercellule ?
Il faut bien sûr se méfier des réseaux sociaux et des observations car nous avons toujours tendance à relever le caractère exceptionnel d’un événement climatique. Néanmoins, il peut effectivement se créer, parfois, des supercellules au sein d’orages multicellulaires. La frontière qui délimite la supercellule n’est pas stricte et il existe une marge d’interprétation. Ainsi quelques foyers orageux pouvaient légitimement faire penser à des supercellules.
Comment les distingue-t-on ?
Ces orages sont assez facilement observables l’été quand une grosse cellule se forme de manière isolée après une journée très chaude. On voit alors d’imposants nuages orageux -des cumulonimbus- en forme de champignon atomique avec un sommet assez haut et un bord d’attaque très net et lisse. Mais pour conclure à un orage supercellulaire, il faut également constater certains phénomènes induits qui constituent sa signature.
Ces épisodes météorologiques violents sont-ils en train de se banaliser ?
Même si l’ampleur des orages a pu être localement exceptionnelle, la situation globale est finalement assez normale à cette époque de l’année. Ce sont des épisodes que l’on peut voir survenir plusieurs fois en moins de 10 ans. Toutefois, il est normal que le contexte de cette semaine pose question et, effectivement, nous constatons une hausse de la fréquence des phénomènes violents. En revanche, ces derniers ne sont pas nécessairement plus intenses ou exceptionnels.
Quelle est la tendance de l’évolution climatique en Occitanie ?
C’est un point sur lequel nous devons nous avancer avec prudence. Mais nous devrions observer une hausse de la fréquence des fortes pluies et des orages. Or, si leur nombre augmente, statistiquement le nombre d’épisodes violents augmentera en proportion. Mais il ne devrait pas y avoir pour autant une hausse des phénomènes extrêmes comme les tempêtes. De même, la fréquence des épisodes de canicule devrait augmenter, sans pour autant que nous battions systématiquement des records de température. Enfin, les épisodes de pollution de l’air, qui représentent un réel danger pour la population, vont aussi se multiplier.
Pourquoi percevons nous comme exceptionnel des phénomènes qui, au contraire, se généralisent ?
Il faut se méfier du biais de ressenti. La population a une perception plus dramatique et négative des aléas climatiques. Les conséquences sont de moins en moins bien tolérées. Par exemple, les gens n’acceptent plus d’être en retard au travail à cause d’un orage. De même, l’évolution de l’urbanisme implique souvent des dégâts plus importants avec des coûts supérieurs. Par exemple, on retiendra que c’est la première fois qu’une rivière déborde alors que, en fait, c’est la présence de nouvelles habitations qui rend la situation problématique.
Globalement, nous avons de plus en plus de mal à nous adapter à notre environnement et nous voudrions, au contraire, que ce soit lui qui s’adapte. C’est un vrai problème car nous ne pourrons pas tout contrôler. Nous pourrons toujours installer des climatiseurs pour lutter contre les canicules mais, contre les orages, nous ne pourrons rien faire.
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