Les organisations syndicales du CHU de Toulouse dénoncent une promotion accordée à un cadre pourtant impliqué dans une affaire interne de harcèlement sexuel. La direction évoque une simple modification de la présentation de l’organigramme.
C’est un changement d’organigramme qui fait grincer les dents au CHU de Toulouse. En effet, lors du dernier Comité technique d’établissement (CTE), l’équivalent d’un conseil d’administration, les organisations syndicales ont constaté la nomination au poste de « responsable adjoint » de l’un des pôles du CHU, un ingénieur pourtant impliqué dans une affaire de harcèlement sexuel au travail. Une promotion inacceptable pour les représentants syndicaux présents lors de la réunion. « Cette décision est d’autant plus grave et incompréhensible qu’elle intervient quelques mois après que l’hôpital ait été condamné pour ne pas avoir protégé la victime dans cette affaire », s’insurge Pauline Salingue, élue CGT au sein du CTE.
En effet, le 17 décembre dernier, le CHU avait été condamné par le tribunal administratif à indemniser son agent. Malgré les alertes de la victime qui s’était plaint de recevoir des centaines de mails inappropriés ou de devoir subir des bisous et des frôlements intempestifs et non consentis, sa hiérarchie n’avait pas réagi. « Suite à un conseil de discipline le responsable s’était seulement vu signifier un blâme pour avoir envoyé ces mails sur son temps de travail. Les faits de harcèlement sexuel avaient été écartés au motif qu’ils n’étaient pas avérés. Pourtant un rapport confirmait l’existence de harcèlement », rappelle l’élue syndicale. En 2019, un rapport d’expertise indépendant commandité par le CHU confirmait, entre autres, « des pratiques professionnelles et managériales se plaçant sur un registre sexuel ».
Une inaction et une promotion que dément la direction de l’hôpital. « Il faut rétablir la vérité. Il n’y a eu aucune promotion de la personne visée par les organisations syndicale. Nous avons seulement changé l’intitulé du poste et la manière de présenter l’organigramme en le découpant de manière sectorielle. Ce qui fait apparaître le nom de cette personne et peut prêter à confusion. Mais elle est, comme c’était déjà le cas avant, toujours placé sous la hiérarchie d’un directeur et d’un responsable », défend Marie Charrière Lemahieu, directrice de la communication du CHU.
Un simple changement d’intitulé de poste qui n’implique donc aucune extension des compétence ou de hausse de salaire. « Dans l’organigramme, cette personne n’a que le statut d’ingénieur », assure ainsi la direction du CHU. Pourtant, dans la version que nous avons pu consulter, l’organigramme mentionne bien le statut de responsable adjoint. « Cette personne n’est chargée que de missions d’expertise et nous ne lui confions aucune mission managériale ou d’encadrement », ajoute toutefois Anne Laure Navarre, directrice de cabinet au sein du CHU, qui maintient que l’hôpital n’a aucune raison de revenir sur cet nouvelle organisation.
De même, la direction du CHU s’étonne de la réaction des organisations syndicales qui auraient elle-même plaidé pour la clémence alors que l’hôpital demandait une rétrogradation de l’employé soupçonné de harcèlement sexuel. « Un conseil syndical est une organisation paritaire. Or, ce sont les représentants syndicaux qui ont demandé l’allègement de la sanction qu’ils ont jugé trop lourde », rappelle Anne Laure Navarre.
« À l’époque, le CHU ne reconnaissait pas le caractère avéré du harcèlement sexuel. Si l’on considère pour seule faute l’envoi de mails pendant son temps de travail, effectivement, la rétrogradation est une sanction très lourde », rétorque Pauline Salingue. En décembre 2018, la direction avait bien notifié, par courrier adressé à la victime, son refus de qualifier les faits dénoncés de harcèlement sexuel. Pauline Salingue précise également que son organisation syndicale à demandé la démission des représentants présents ce jour-là pour ne pas avoir pris le parti de la victime.
Déterminés à faire entendre leur voix, les organisations syndicales ont prévu de se rassembler dès lundi prochain. Ils n’excluent pas des actions visant à demander la démission des membres de la direction du pôle concerné et du service des ressources humaines. Ainsi qu’un nouveau conseil de discipline portant véritablement sur les faits de harcèlement. « Nous ne pouvons accepter que pour défendre son choix la direction évoque, qui plus est devant la victime, les compétences vitales pour l’hôpital d’un harceleur ainsi que son comportement professionnel irréprochable », insiste Pauline Salingue.
Des formules que Anne Laure Navarre essaie de tempérer en précisant que c’est bien « l’expertise [en matière d’ingénierie, NDLR] qui est vitale » et que « depuis le conseil de discipline, d’un point de vue technique, il n’y a pas eu de faits qui aient pu être reprochés à cette personne ». Depuis le début de cette affaire, le CHU à mis en place des dispositifs de prévention, de signalement et d’accompagnement des victimes de harcèlement ou de comportements discriminatoires.
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