DON. Le CHU de Toulouse est devenu l’un des leaders dans le domaine du don du vivant, notamment de la greffe de rein. Le JT a enfilé sa blouse et s’est immiscé dans le bloc opératoire pour assister à cette intervention délicate. Ce jour-là, Hervé Couderc s’apprête à offrir son rein à sa femme Sabine.
« Une évidence, ça a été pour moi une évidence! Je voulais sauver ma femme, mes gosses, ma famille. » Quand il se remémore le moment où il a décidé de donner son rein à son épouse, Hervé Couderc, la quarantaine grisonnante, ne flanche pas. Sabine lutte depuis son enfance contre une maladie génétique rare, un œdème angioneurotique, qui ronge ses organes. « Notre médecin nous avait appelés pour nous dire que la situation se dégradait et que Sabine ne pouvait vivre que deux ans sans greffe de rein. Je n’ai pas voulu la voir souffrir une seconde de plus », poursuit Hervé. À ses côtés, Sabine couve son mari du regard tout en remettant ses longs cheveux blonds derrière ses oreilles. « Ça a été un magnifique cadeau pour moi, une belle preuve d’amour », dit cette mère de famille de 47 ans, pleine de retenue.
Après un an et demi de procédures et de tests médicaux, le grand jour est arrivé. Deux opérations vont avoir lieu. La première sera l’extraction du rein d’Hervé et la seconde, la greffe de rein dans le corps de Sabine. Deux équipes vont se succéder, pilotées par Federico Sallusto, le responsable du programme de transplantation rénale de l’hôpital Rangueil et son confrère Nicolas Doumerc, le chirurgien urologue.
À 9h10, ce dernier met en marche son chronomètre. « C’est mon Toc à moi », dit-il en souriant « Je ne veux pas battre des records mais moins l’opération est longue, plus le patient se remet vite. » Des tuyaux reliés à une caméra sont insérés dans le corps d’Hervé, anesthésié. Sur un écran, ses parois intestinales apparaissent avant que le rein ne surgisse. Nicolas Doumerc est aidé par une interne et de nombreuses infirmières. Il ne parle pas. Ses yeux ne quittent pas l’écran. Son geste est assuré. Il doit détacher le rein sans trembler. Derrière lui, des élèves infirmiers et chirurgiens, adossés au mur blanc, scrutent l’opération.
Au bout de 45 minutes, une fois le rein atteint, son confrère Federico Sallusto est appelé. Les deux hommes ont l’habitude de travailler ensemble. L’an dernier, ils ont réalisé la première greffe mondiale par voie vaginale. « En 2015, notre service a effectué 200 greffes rénales. Parmi elles, 55 l’ont été à partir de donneurs vivants. C’est important de les développer car il y a encore trop de gens qui meurent faute d’en bénéficier», assure Federico Sallusto. Et d’ajouter: « Je ne regarde jamais le temps pendant l’opération. L’essentiel est que tout soit bien réalisé. La concentration est maximale. Il faut anticiper tout ce qui pourrait arriver. C’est un vrai travail d’équipe. »
C’est lui qui vérifie maintenant la longueur des vaisseaux que doit sectionner Nicolas Doumerc. Ensuite, le geste est rapide. En moins de deux minutes, l’organe est extrait du corps d’Hervé et irrigué à l’aide d’un liquide de conservation spécifique.
La première équipe médicale quitte la pièce. Hervé est amené en salle de réanimation. Concentré sur sa tâche, Federico Sallusto désengorge l’organe de son sang. Après avoir vérifié l’étanchéité du greffon, il coud un à un, avec des fils pas plus épais que des cheveux, les petits vaisseaux non nécessaires à la transplantation.
À 12h30, Sabine entre au bloc. Un long travail d’orfèvre commence pour le responsable chirurgical. Il va coudre les vaisseaux pendant près de cinq heures. Puis il appelle les élèves pour relier le rein à sa patiente. Chacun sait alors qu’un moment magique va arriver. Federico Sallusto perfuse à nouveau le greffon avec le sang de Sabine. Instantanément, celui-ci se recolore pour devenir rose puis rouge. Pour la première fois depuis la matinée, l’émotion est palpable dans la salle. Tous se regardent et sourient. L’opération est un succès. « Il faut maintenant attendre plusieurs heures pour la reprise de fonction du rein », souligne le médecin.
Quelques jours après l’intervention, Sabine et Hervé sont rentrés chez eux et réalisent ce qu’ils viennent de vivre. « C’est plus fort que tout ce qu’on a vécu jusque-là », confie Hervé, les larmes aux yeux. Sabine, elle, a pu enfin commencer une nouvelle vie. « Je me sens beaucoup mieux. Je suis moins fatiguée et je suis contente. Le plus dur est derrière nous. »
Commentaires