Suite à une polémique née en août 2018, des conseillers municipaux d’opposition et de la majorité ont travaillé ensemble au sein du Conseil de la laïcité pour produire un texte sur la neutralité religieuse des élus. Leur rapport n’a fait, à ce jour, l’objet d’aucune restitution officielle malgré les demandes de l’opposition.
©Page Facebook de Jean-Michel LattesC’était en août 2018. Une photo montrant deux élus de la majorité municipale toulousaine, Jean-Michel Lattes et Jean-Baptiste De Scorraille, portant l’écharpe tricolore lors d’une cérémonie religieuse à Lourdes provoquait un vif débat. Une polémique par presse et réseaux sociaux interposés que Régis Godec, conseiller écologiste d’opposition, a souhaité alors transformer en véritable réflexion.
Pour cela, il a saisi le Conseil de la laïcité, une instance créée en 2012 par Pierre Cohen et renommée Toulouse Fraternité à l’arrivée de Jean-Luc Moudenc au Capitole en 2014. « Visiblement, les deux élus présents à Lourdes ne connaissaient pas les règles en matière de neutralité religieuse. L’idée était donc de produire une charte sur les droits et les obligations pour définir ce qu’il est possible de faire ou ne pas faire, à partir de ce que dit la loi », explique-t-il.
Après un an et demi de travail collectif au sein de la commission, qui regroupe des élus de la majorité et de l’opposition, et des représentants des différents cultes ou du mouvement laïque, un texte consensuel a vu le jour. Il s’intitule « Neutralité et liberté d’expression de l’élu local au regard du principe de laïcité et de la relation avec les cultes » et a été approuvé à l’unanimité par les membres de Toulouse Fraternité.
Or, malgré le vœu formulé par l’instance de porter le document à la connaissance de l’ensemble des élus, il n’a, à ce jour, fait l’objet d’aucune communication, du moins officielle. « À défaut de pouvoir engager une discussion sur le sujet lors des conseils municipaux de novembre et décembre 2019, nous avons demandé, avec les autres élus d’opposition membres de la commission, à ce que le texte soit au moins présenté au dernier conseil de la mandature, le 31 janvier 2020. Nous n’avons jamais obtenu de réponse », souligne l’écologiste.
En février, les élus en question ont donc pris l’initiative de le diffuser eux-mêmes à l’ensemble des conseillers municipaux, ainsi qu’à la presse. « Une manière de dénoncer l’attitude regrettable de Jean-Luc Moudenc, qui relève de l’obstruction sur des travaux importants réalisés dans un esprit constructif, et qui décrédibilise l’existence même de Toulouse Fraternité », enfonce Régis Godec.
De son côté, Daniel Rougé, adjoint au maire représentant ce dernier au sein de l’instance et qui a donc présidé les travaux et validé le texte sur la neutralité religieuse, avance que le contexte des municipales n’était pas opportun pour avoir « un débat à la hauteur du sujet ». « C’était un travail très intéressant qui a abouti à un très bon texte. Mais qui ne résout pas toutes les questions. Nous nous sommes par exemple rendu compte qu’il n’existe aucune jurisprudence en la matière, ce qui m’a étonné », précise l’adjoint en charge des affaires sociales.
Pour ce dernier, le document doit donc servir de base pour aller plus loin et s’interroger sur la question fondamentale selon lui : « En quoi la laïcité confère une cohésion nationale entre des consciences différentes et en quoi les élus peuvent-ils soutenir cette cohésion ? »
Un courrier, signé par Jean-Luc Moudenc, a été envoyé hier, mardi 10 mars, aux élus d’opposition pour les informer de son intention d’organiser, après les élections, un séminaire d’une demi-journée sous forme de conférences, d’ateliers et de synthèse. Reconnaissant dans sa lettre le produit d’un travail important qu’il ne « saurait mépriser », le maire estime plus sage de « confier tout cela au nouveau Conseil Municipal que les Toulousains vont élire dans quelques jours ».
Une proposition bien tardive selon Régis Godec. « Il aura fallu en arriver à diffuser nous-même les travaux du Conseil de la laïcité pour que Jean-Luc Moudenc confirme sa volonté de ne pas les communiquer aux élus en fonction », réagit-il après avoir pris connaissance du courrier. En tout cas, d’après le conseiller municipal EELV, même si ce n’était pas l’objectif premier, le texte auquel il a contribué contient les éléments qui auraient permis d’éviter l’affaire des écharpes tricolores. « Tout ce débat a fait passer des messages, confirme Daniel Rougé, il est de la responsabilité des élus de ne pas altérer la cohésion nationale ».
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