HIPPOCRATE. De nouveaux gestes, des choix attentifs sur les produits, une politique d’achat réfléchie et une vision globale environnementale. Voilà comment la clinique Pasteur mène, depuis plusieurs années, une révolution interne pour lutter contre les perturbateurs endocriniens.
En matière de perturbateurs endocriniens, le diable se cache plus que jamais dans les détails. Ainsi lorsque l’on foule les interminables couloirs de la clinique Pasteur, il faut être attentif pour remarquer, soudain, à l’étage, un changement de revêtement au sol. « C’est du caoutchouc. Nous l’utilisons pour remplacer petit à petit l’ancien PVC qu’il y avait dans tous les bâtiments », explique Olivier Collet. Ce dernier n’est pas le chef décorateur maison, mais le responsable technique de l’établissement. « Cela nous a pris plusieurs mois pour trouver le bon matériau. L’industrie du PVC est leader sur le marché des établissements hospitaliers et il est très dur d’avoir de vraies informations sur la composition des éléments. Nous avons finalement opté pour le caoutchouc qui est très prisé dans les pays nordiques. Il est plus cher, mais a une action antibactérienne et dure plus longtemps, c’est un investissement », poursuit le technicien.
Une goutte d’eau parmi d’autres dans la démarche entreprise par la clinique Pasteur. Engagé dans la voie du développement durable depuis presque 10 ans, l’établissement a été en 2015 le premier signataire de la campagne « Hôpital sans perturbateurs endocriniens » mise en place par le Comité pour le développement durable en santé (C2DS). Depuis, la chasse est lancée dans tous les recoins de l’établissement. Juste « une manière d’être cohérent avec notre mission de santé publique, selon Olivier Collet. Nous ne pouvons pas soumettre nos patients à ces nanoparticules qui participent à la croissance des maladies chroniques. Au nom du principe de précaution, les hôpitaux sont allés trop loin dans l’aseptisation. » Ils auraient ainsi utilisé des produits qui s’avèrent aujourd’hui potentiellement dangereux.
La première étape prit donc la forme d’un diagnostic global consistant à identifier tous les produits suspects et à passer toutes les pièces au COVmètre pour connaître la teneur en composés organiques volatils dans l’air. Un bilan qui confirme la présence de perturbateurs endocriniens dans de nombreux produits utilisés au quotidien. Une liste de 10 écogestes à respecter est établie et communiquée à tout le personnel. Elle préconise entre autres d’éviter les molécules présentes dans certains médicaments et de privilégier les produits de nettoyage et d’hygiène corporelle écolabellisés. Plus globalement, c’est tout l’écosystème hospitalier qui est concerné, avec des efforts à porter sur l’alimentation ou les espaces verts, où les produits phytosanitaires sont proscrits.
« À la base, nous ne sommes pas des spécialistes, nous devons sans cesse nous poser des questions, être en veille permanente et accepter l’idée que nous pouvons nous tromper. Il est extrêmement délicat d’être sûr à 100% que tous les maillons de la chaîne sont vertueux », révèle Olivier Collet. D’autant que, hormis l’interdiction de composants comme le bisphénol A, aucune réglementation évoquant un seuil à respecter n’a pour l’instant vu le jour au sujet des perturbateurs endocriniens.
Mais dans un établissement qui accueille 55 000 patients par an et compte 1300 employés, le changement en profondeur des pratiques ne s’est pas fait en un jour ni sans difficulté. Les nouveaux gestes et procédés ont parfois été jugés trop contraignants par le personnel. Le nettoyage des outils à la vapeur prend ainsi beaucoup plus de temps. Et du côté de la restauration, l’idée d’un menu par mois sans viande rouge a dû être modérée en raison des vertus cicatrisantes de cette dernière. Parfois, c’est même la réglementation qui s’en est mêlée, notamment sur la question des solutions hydroalcooliques, plébiscitées par la loi pour l’hygiène des employés, mais génératrices, elles aussi, de perturbateurs endocriniens. « On aimerait aussi mettre des poignées en cuivre sur les portes pour mieux lutter contre les bactéries, mais là c’est une question de coût qui nous freine. Il y aurait tant de choses à faire… Il faut aussi trouver le juste équilibre : être dans la prévention sans se montrer alarmiste. Car il y aurait de quoi rapidement devenir paranoïaques », admet Gaëlle Renaud, chargée de la communication à Pasteur.
La révolution se fait donc en douceur et prendra le temps qu’il faudra. Elle passera par exemple par un partage d’informations entre les établissements hospitaliers afin d’inciter les fournisseurs à des pratiques plus vertueuses et de permettre à des filières de se mettre en place en terme d’alimentation notamment. En tout cas, en tant que véritable ville dans la ville et acteur majeur du territoire, en contact avec tous les secteurs d’activités économiques, la clinique Pasteur est résolue à jouer son rôle de défricheur.
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