DIFFÉRENCIATION – Selon Gilles Allaire, chercheur à l’Institut national de recherche agronomique, la notion de qualité a évolué au fil du temps. D’abord concentrée sur les aspects sanitaires, elle n’est désormais plus résumée qu’à la qualité intrinsèque d’un produit. Et permet aujourd’hui aux petits producteurs d’avoir davantage d’opportunités économiques.
«La qualité peut vouloir dire beaucoup de choses», lance d’emblée Gilles Allaire, chercheur à l’Institut national de recherche agronomique (Inra). Selon lui, la représentation collective de ce concept n’est pas figée dans le temps. Elle est à la fois influencée par les besoins alimentaires, l’évolution de l’économie agricole ou les orientations des politiques publiques.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture s’intensifie et les marchés se globalisent. Et en parallèle, «l’alimentation préparée proposée par l’industrie agroalimentaire, des conserves jusqu’aux plats cuisinés, prend son essor. Tout cela repose sur des produits répondant à des normes de qualités sanitaires spécifiques. Par exemple, les tomates pelées en boîte sont issues des mêmes variétés et répondent à un calibre précis», poursuit le chercheur. À la fin des années 1950, le lait était encore vendu à la ferme avant d’être bouilli par les consommateurs pour éliminer les germes. Dans les années 1970, l’industrie met en place un certain nombre de normes et soumet alors son prix à la faible présence de bactéries ou encore au taux de matières grasses. La qualité s’entend alors au sens de l’aspect sanitaire et d’une certaine standardisation des produits. Si bien qu’aujourd’hui, selon Gilles Allaire «la plupart de ce que nous consommons répond à des normes de qualité.»
Face à des marchés agricoles mondialisés, la qualité a ensuite été un levier de différenciation pour des producteurs. Le lait de montagne, qui correspond à un label officiel français, est ainsi payé plus cher qu’un lait standard produit en Bretagne. «Les prix sur les marchés internationaux étant fluctuants, les signes de qualité permettent aux producteurs qui s’inscrivent dans cette démarche d’avoir davantage de stabilité et d’opportunités économiques», indique Gilles Allaire. Et d’ajouter : «Cela protège certains territoires de la concurrence internationale et, ce, d’autant plus quand les productions ne sont pas délocalisables comme dans le cas des appellations d’origine contrôlées.»
Depuis 20 ans, un nouveau phénomène s’ajoute à ces deux tendances, celui de la défense par des labels et une demande des consommateurs pour la « qualité immatérielle. C’est-à-dire qu’elle n’est plus liée seulement aux propriétés intrinsèques du produit mais revêt aussi une dimension symbolique de protection des savoirs traditionnels, de patrimoine de l’humanité ou encore de la biodiversité», poursuit le chercheur.
Pour autant, selon Gilles Allaire, deux systèmes agricoles coexistent encore aujourd’hui. Si la tendance lourde est au développement des circuits courts dans tous les pays industrialisés, «les systèmes alimentaires qui reposent sur l’industrie agroalimentaire et la grande distribution restent néanmoins importants, y compris pour le bio.»
Voir la qualité devenir le nouveau standard agricole, « va dépendre à la fois de l’évolution de la demande des consommateurs, d’une meilleure maîtrise des pratiques agronomiques, et d’une disponibilité de main-d’œuvre », puisque ces modes de production en demandent davantage.
Source : UFC Que Choisir et AgenceBio
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