La Cimade a présenté à Toulouse son rapport annuel sur les Centres de rétention administrative, dont celui de Cornebarrieu. L’association dénonce le recours de plus en plus systématique à un enfermement dont la durée s’allonge et qui se déroule dans des conditions déplorables.
La Cimade dénonce dans son rapport annuel des conditions de rétention déplorables au Centre de Cornebarrieu © La CimadePlusieurs associations, dont la Cimade, ont présenté hier à Toulouse, leur rapport annuel sur les Centres de rétention administrative (CRA) en France. Un nouveau bilan d’autant plus attendu que 2019 marquait l’entrée en vigueur de deux lois permettant l’extension du champ des personnes susceptibles d’être enfermées, mais aussi l’allongement de la durée légale de la rétention à 90 jours (contre 45 auparavant). Au centre de Cornebarrieu, comme partout en France, le constat est clair : « La politique de l’administration s’inscrit dans une volonté d’enfermer toujours plus et toujours plus longtemps », écrivent les auteurs du rapport, qui déplorent une véritable banalisation de la pratique.
Plus de 53 000 ressortissants étrangers ont ainsi été enfermés en France en 2019. Une hausse de 23 % par rapport à 2018, en grande majorité liée au CRA de Mayotte, même si sur le territoire métropolitain, ce nombre reste très élevé. La durée moyenne de rétention, elle, est passée de 12 jours en 2017 à près de 17 jours en 2019, soit une hausse de 40 % en deux ans. Au CRA de Cornebarrieu, proche de Toulouse, cette moyenne grimpe même jusqu’à 18,7. Un allongement jugé non seulement problématique, mais surtout inefficace. « La mesure avait été présentée comme un moyen de faciliter les reconduites à la frontière, or plus de 90 % d’entre elles ont lieu dans les 45 premiers jours. L’allongement ne fait que punir davantage des personnes jugées indésirables », explique Pablo Martin, intervenant de La Cimade au CRA de Cornebarrieu.
D’ailleurs, si les chiffres des reconduites à la frontière, également appelées mesures d’éloignement, sont en hausse, ce n’est, pour l’association, qu’en raison de ce qu’elle appelle les placements de « conforts », c’est-à-dire à des seules fins d’organisation matérielle de la reconduite à la frontière, les personnes étant interpellées alors qu’un vol est programmé quelques heures plus tard. « Une pratique sanctionnée en théorie par les juges, mais la brièveté de la rétention empêche son contrôle », précise La Cimade.
À Toulouse, sur les 1 320 personnes enfermées en 2019, 47,2 % ont fait l’objet d’une mesure d’éloignement. Un chiffre à peu près similaire à la moyenne nationale. Preuve que les CRA sont loin de remplir leur fonction originelle, selon La Cimade. Pour l’association, « la rétention n’est envisageable légalement que dans le but d’organiser le départ forcé et ne doit intervenir en principe qu’en dernier ressort ».
Et depuis le début de l’année 2020, la tendance se confirme à Toulouse avec une explosion du taux de libération par la justice qui atteint pour l’instant 67 % des placements. « De plus, le fait que le CRA de Cornebarrieu ait continué de fonctionner pendant le confinement alors même que toute mesure d’éloignement était rendue impossible par la fermeture des frontières prouve bien que la logique qui prime est celle de l’enfermement », appuie Pablo Martin.
L’association dénonce en outre des conditions de rétention déplorables, notamment à Cornebarrieu. « Créé en 2006, le centre n’a pas été conçu pour enfermer les gens sur une longue période. Les règles y sont très strictes, sans aucune activité. C’est une prison qui ne dit pas son nom », poursuit le juriste de l’antenne toulousaine de La Cimade.
À cela s’ajoutent des conditions difficiles : douches parfois froides, saleté, difficultés d’accès aux effets personnels… « Cette situation engendre une multiplication du mal-être, des tensions, des bagarres, des automutilations, des grèves de la faim, voire des tentatives de suicide », écrivent les auteurs du rapport.
Ceux-ci interpellent également sur le cas de la rétention des personnes malades ainsi que de celui des enfants, en nette augmentation. À Toulouse, ils ont été une cinquantaine, dont plusieurs nourrissons, à être enfermés en 2019. De plus, les observateurs constatent régulièrement des violations du droit comme le non-respect des possibilités de recours des personnes enfermées. Ou encore, comme ce fût le cas à Cornebarrieu, de l’utilisation, illégale, selon La Cimade, de la visioconférence pour le jugement d’une décision de placement.
Les associations appellent donc le gouvernement à « tirer les conséquences de ces pratiques trop souvent irrespectueuses des droits fondamentaux des personnes ». Sans compter « l’absurdité du système et le coût immense qu’il génère », fustige Pablo Martin, « quand on sait qu’un homme peut être arrêté à Ajaccio, puis transféré à Toulouse, via Paris, pour finalement être libéré ».
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