La révélation, la semaine dernière, de l’existence de pratiques discriminatoires pour l’attribution des logements sociaux toulousains a soulevé une vague d’indignation et même des poursuites judiciaires. Au-delà du scandale, que peut-on faire pour empêcher de tels agissements de se reproduire ? – Grégoire Souchay
© Franck Alix« Nous n’avons rien à cacher et si nous venons à découvrir des erreurs, nous les corrigerons. » Une semaine après les révélations de Médiapart, Daniel Ferré, directeur général adjoint d’Habitat Toulouse Métropole se veut rassurant et coopérant. « À notre connaissance, aucune instruction ni politique discriminatoire n’a cours dans l’établissement aujourd’hui », garantit-il. C’est pour des pratiques qui auraient eu lieu entre 2003 et 2013 que l’office public de l’habitat (OPH) a été épinglé par nos confrères : annotations basées sur le pays de naissance ou la religion, couplées à un outil interne visant à favoriser la mixité en excluant une partie des bénéficiaires d’origine étrangère. Daniel Ferré le rappelle pourtant : « Le critère d’origine, en plus d’être illégal, ne garantit aucunement la mixité sociale. L’unique paramètre aujourd’hui reconnu par la loi est celui des ressources financières. » Mais à lui seul, cet élément ne permet pas de classer les demandes les unes par rapport aux autres. Alors que 29 000 personnes étaient inscrites sur les listes de demandeurs cette année, la métropole construisait 4 000 logements sociaux, un chiffre en hausse mais qui reste insuffisant.
Au DAL 31, François Piquemal, porte-parole de l’association, ne semble pas avoir été particulièrement surpris des révélations de la semaine dernière : « Plusieurs études sociologiques et statistiques ont montré que les discriminations selon l’origine n’étaient pas un phénomène isolé, mais structurel » (lire notamment l’enquête « inégalités d’accès au logement, peut-on parler de discriminations ? » Bonnal, Boumahdi et Favard, Économie et Statistiques, 2013). Pour le militant, la première des solutions c’est bien la construction en quantité mais aussi de manière qualitative. « Certaines personnes se retrouvent désormais à ne pas gagner suffisamment d’argent pour accéder à du logement social ! » déclare-t-il en pointant le manque de « logements très sociaux », notamment en centre-ville. « Voilà qui amènerait une vraie mixité ». Problème : les modifications récentes du plan local d’urbanisme ont supprimé l’obligation de logement social pour les surfaces inférieures à 2 000 m² – les plus nombreuses – dans l’hypercentre. Toulouse Métropole a pourtant mis en place un dispositif de classement par points en 2012, qui permet de proposer une liste de dossiers prioritaires en fonction de critères concrets et objectifs (insalubrité, violences, mise à la rue…) Mais le pouvoir de décision demeure entre les mains de la commission des attributions de Toulouse Métropole Habitat. « Il faudrait ouvrir cette commission pour qu’elle soit plus transparente et compréhensible par les citoyens », soutient Régis Godec, élu écologiste d’opposition. Une telle initiative est expérimentée depuis quelques années à Rennes et pourrait être généralisée à l’aune du nouveau projet de loi logement, présenté par le gouvernement début avril. Autre piste, la mise en place de jurys citoyens tirés au sort, qui pourraient aider à statuer de manière plus indépendante. « Cela fait partie des idées qui germent, mais on ne pourra jamais se passer de l’intelligence humaine », confirme Daniel Ferré. A minima peut-on au moins limiter ses travers.
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