PLOUF. En face du marché de Saint-Cyprien, une enseigne attire les regards. Sur un bâtiment moderne, une surprenante mosaïque ancienne annonce des douches municipales. À une époque où quasiment tout le monde dispose d’une salle de bain, qu’est-ce que ça vient faire là ?
®KévinFiguier/JT
« Bah, c’est parce qu’avant, c’était des douches municipales », lâche Rachid, dont le stand de fruits et légumes est installé juste en face de la fameuse plaque, au niveau du marché couvert de Saint-Cyprien. Effectivement, la réponse était dans l’intitulé de la question. On comprend son air moqueur.
Qu’à cela ne tienne, la rédaction veut en savoir plus. L’information n’attend pas. Direction donc le numéro 20 de la place Jean Diebold. Juste en dessous de la mosaïque de grès, une porte d’entrée. Une fois le seuil franchi, pas d’odeur de savon ni de Toulousains en peignoir. «Vous êtes à la maison de la citoyenneté», expliquent deux femmes à l’accueil, toutes habillées. « Le bâtiment des douches municipales a été démoli, seule la plaque de l’entrée reste », affirme Dalila avant de raconter l’histoire des lieux. Un récit confirmé par les auteures de “Toulouse secret et insolite”, Corinne Clément et Sonia Ruiz.
Le pavillon des douches municipales, imaginé par les architectes Milloz et Montariol, a été inauguré en 1931. La municipalité socialiste de l’époque multipliait alors l’installation de structures d’hygiène dans la ville : tout-à-l’égout, usine d’épuration et piscines sont notamment venus améliorer le quotidien des habitants. Grâce à l’infrastructure de Saint-Cyprien, les Toulousains pouvaient alors accéder à 24 nouvelles cabines pour la somme de 1,25 francs. Mais après plus de 60 ans d’existence et la généralisation des salles de bains privées, les clients se sont faits de plus en plus rares. En 1992, l’établissement est finalement démoli puis remplacé par une annexe de la mairie et le commissariat du quartier. Seule la mosaïque reste en place, ultime témoignage du passé savonneux du bâtiment.
La maison de la citoyenneté a investi les lieux en 2013 et y accueille les riverains en quête d’accompagnement administratif. « Ça nous arrive de voir arriver des anciens du quartier. Des gens qui venaient se laver ici avant et qui veulent voir comment sont les lieux aujourd’hui. Ils sont surpris de l’évolution ! » lâche Dalila en souriant. Mais pas d’atteinte à la pudeur à l’horizon, ni Ève ni Adam n’ont encore passé la porte : la plupart des habitants du quartier se sont visiblement habitués à la nouvelle fonction du bâtiment. Marie, debout derrière le comptoir de l’accueil, nous rassure : «Aujourd’hui, les gens ne se trompent plus et ne viennent plus demander une douche. »
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