Contestations. Chinois, Canadiens, gouvernement et collectivités locales nous mènent en bateau. Il y a quelques semaines une enquête du JT vous révélait « le vrai mensonge. » Devons-nous céder pour autant ?
Par Julien Davenne
Au Monopoly, le hasard tient une part importante. Lancer les dés peut vous ruiner, vous mener derrière les barreaux sans passer par la case départ, ou faire de vous un milliardaire pour peu que vous soyez propriétaire d’un hôtel rouge dans une rue bleue. Mais ça, c’est au Monopoly. En vrai, il n’y a pas de dés et le hasard ne fait rien aux affaires. Bien sûr, il y a la case prison, les erreurs de la banque, et de lourdes impositions, mais dans la vraie vie, on vend des aéroports, pas des gares. À Toulouse Blagnac, on a longtemps joué à la belote. Autour de la table, l’État, la Chambre de commerce et d’industrie et les collectivités locales tapaient le carton en pères peinards. Mais un jour, un jeune loup est arrivé, a renversé la table avant de redistribuer les cartes et de désigner les joueurs. Il est comme ça Emmanuel Macron. Longtemps, il a tenu la banque. Longtemps, il est resté dans l’ombre avant d’entrer dans le jeu. Quand il arrive, c’est bardé de diplômes et de certitudes. Macron, c’est de l’essence essentielle de haut fonctionnaire. Il tranche, liquide, adjuge et s’en lave les mains, avant de passer à une autre partie. Les états d’âme, les jérémiades, pas son souci. Seul le renflouement des caisses compte, alors, il a choisi et cédé à un consortium sino–canadien 49,9% des 60% de parts que l’État avait dans l’aéroport toulousain. Au départ, ils étaient six à vouloir en croquer, Vinci, Aéroport de Paris, deux fonds d’investissement et l’allemand Avi Alliance étaient alléchés , mais ce sont les Chinois de Symbiose associés au canadien SNC Lavalin qui l’ont emporté.Si dans un premier temps, c’est le péril jaune qui a semblé servir de repoussoir, c’est ensuite la moralité du partenaire nord-américain qui a pris le dessus. Pourtant, SNC Lavalin affiche de bien belles valeurs : protéger les gens, sauver la planète et améliorer les soins est son crédo. Mais SNC Lavalin a une épine dans le pied. Dans sa hâte de répandre le bonheur sur le monde, la société canadienne a fait feu de tous bois et s’est acoquinée au très sulfureux Farid Bedjaoui. Recherché par Interpol, soupçonné d’avoir touché des pots de vin pour l’obtention de plusieurs contrats en Algérie, Bedjaoui n’a rien d’un parangon de vertu, mais dans le monde de la finance, on a l’indignation relative.Une poignée d’empêcheurs de privatiser en paix est montée au créneau. Représentés par l’avocat Christophe Léguevaques, ils rejouent la bataille du pot de terre. Militants, riverains, associatifs, politiques ou simples citoyens, ils ont adressé une requête au Conseil d’État visant à la suspension de la décision. Si le Conseil d’État est l’autorité compétente, il faut dans la foulée se questionner sur l’indépendance qui est la sienne. Juge suprême en matière de litiges relatifs aux actes administratifs, il est aussi le conseiller du gouvernement, toujours en matière d’actes administratifs. Il juge et conseille l’administration ce qui, outre l’évidence du paradoxe, questionne sur la dimension schizophrénique de sa posture.Comme il fallait s’y attendre et pour préserver sa santé mentale, le Conseil d’État a rejeté la demande des requérants. Chafouin, il a pondu une ordonnance bien tarabiscotée, reprochant aux requérants de ne pas avoir produit des éléments qu’il s’est par ailleurs évertué de rendre incommunicables.
Si l’action juridique initiale visait à suspendre la transaction, son rejet ne dit rien sur le fond. Ce n’est qu’au terme d’une longue procédure que les requérants seront fixés sur le sort de leur démarche. En attendant, la partie continue.
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