Après l’Assemblée nationale, le Sénat se prononcera ce mardi 27 octobre sur la réautorisation des néonicotinoïdes sur les cultures de betteraves sucrières françaises, pesticides produits par les firmes Monsanto, Syngenta et BASF, devant lesquelles le Syndicat d’apiculteurs d’Occitanie a manifesté.
Le 6 octobre dernier, l’Assemblée nationale autorisait à nouveau l’utilisation des néonicotinoïdes, puissants insecticides, pour traiter les cultures de betteraves ravagées par les pucerons, par 313 voix pour et 158 contre. Une décision dénoncée notamment par les apiculteurs qui rappellent les conséquences dévastatrices sur les abeilles, la biodiversité et la santé humaine. « Elles peuvent entraîner, chez les Hommes, une augmentation du risque d’autisme, des malformations congénitales du cœur ainsi que des anencéphalies (absence de cerveau à la naissance). Quant aux abeilles, ces molécules bloquent les récepteurs de l’acétylcholine, ce qui provoque à terme la paralysie de l’insecte », explique Olivier Fernandez, président du Syndicat des apiculteurs d’Occitanie.
Ce dernier a d’ailleurs organisé une opération coup de poing alors que les sénateurs s’apprêtent à leur tour à voter cette dérogation ce mardi 27 octobre. Ils étaient une trentaine à s’être réunis hier devant les firmes Monsanto, Syngenta et BASF, productrices des néonicotinoïdes. « Les directions nationales des deux premières se sont engagées à nous recevoir pour en discuter. Nous attendons ! » Conscient que cela ne changera rien à la décision du Sénat, l’apiculteur « espère au moins faire vivre le débat ». Ainsi, il souhaite ralentir le processus décisionnel en médiatisant la polémique et en provoquant le dialogue public. Car, il en est sûr, cette dérogation n’est que la première d’une longue série.
En vertu du principe d’égalité devant la loi qui garantit le même droit pour tous, Olivier Fernandez s’attend à ce que d’autres filières que celle de la betterave déposent un recours similaire. « Les producteurs de maïs, puis de colza, et d’autres encore pourront demander la même dérogation sans qu’il ne soit désormais possible de leur refuser, eu égard à cette jurisprudence », précise-t-il. Des secteurs agricoles qui réclament la réintroduction des néonicotinoïdes tant qu’aucune alternative ne leur sera substituée.
« Ce qui n’arrivera pas puisqu’il s’agit des plus puissants insecticides jamais inventé par l’Homme. Rien ne pourra remplacer leur puissance de feu », reconnaît le président du Syndicat des apiculteurs d’Occitanie. En revanche, d’autres leviers peuvent être activés pour préserver la filière de la betterave. Selon lui, la production actuelle du tubercule suite aux ravages des pucerons correspond à celle de 2003. Une situation qui, selon lui, n’est donc pas catastrophique. « D’autant que les Français ne consomment que 50 % de cette production, le reste étant destiné à l’export. Autrement dit, même si les volumes baissent, nous n’en ressentirons pas de conséquences », rajoute Olivier Fernandez.
Selon lui, les agriculteurs se trompent de combat. « Le fond du problème se trouve en réalité à l’échelle de l’Union européenne car, depuis 2018, les quotas sur la betterave ont été supprimés ce qui a engendré la libéralisation de ce marché et la baisse de 30 % du prix à la tonne », explique l’apiculteur. Ils demandent de pouvoir réutiliser des insecticides aujourd’hui interdits pour assurer leur production, mais cette démarche vient menacer celle des apiculteurs, en colère à leur tour.
Ces derniers reprochent au gouvernement et à sa majorité LREM d’avoir ouvert la boîte de Pandore en votant la dérogation sur les néonicotinoïdes. En Haute-Garonne, seuls Pierre Cabaré, Joël Aviragnet et Sébastien Nadau n’ont pas voté ce texte. « Nos griefs se portent donc sur Mickaël Nogal, Monique Iborra, Élisabeth Toutut-Picard, Corinne Vignon, Jean-Luc Lagleize et Jean-François Portarrieu qui eux, l’ont voté », lance Olivier Fernandez.
Sans illusion quant à l’issue du vote au Sénat, le président du Syndicat des apiculteurs d’Occitanie demande aux parlementaires de revoir les critères d’homologation des pesticides : « Aujourd’hui, les molécules sont autorisées sur la simple bonne foi supposée des laboratoires qui les fabriquent, sans attendre les rapports sur leur innocuité », constate-t-il. Un processus qui met en danger la biodiversité, mais aussi la santé humaine selon lui. « C’est reconnu publiquement ! Preuve à l’appui, la justice est systématiquement de notre côté : nous gagnons tous les procès que nous intentons quand un produit de ce type est remis sur le marché. Il finit donc par être interdit à nouveau », démontre Olivier Fernandez, qui prédit le même scénario pour les néonicotinoïdes.
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