PIOCHE – Jusqu’ici, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le bio poursuivait sa croissance avec des chiffres à faire pâlir l’agriculture conventionnelle. Mais la récente annonce par le gouvernement de la suppression des aides au maintien est venue questionner le modèle économique du secteur. Et l’on ignore aujourd’hui sa capacité à continuer sur sa lancée une fois débarrassé de ces tuteurs. Devant l’inquiétude des acteurs concernés, cette semaine, le JT laboure le champ des possibles pour donner une seconde jeunesse au bio.
« C’est au marché de soutenir le maintien de l’agriculture biologique », lançait il y a quelques semaines Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture, pour justifier le désengagement de l’État du financement de l’aide au maintien destinée aux agriculteurs bio déjà installés. Cependant, le gouvernement précise que cette subvention ne sera pas stoppée, mais sa compétence redistribuée aux Régions.
Pourtant les agriculteurs bio restent inquiets car le financement de ce transfert, qui sera effectif dès 2018, n’a pas encore été pensé. « Malgré leur bonne volonté, si les régions ne trouvent pas de capitaux, l’aide au maintien sera diminuée, voire supprimée », analyse Virgile Bezin. Pour le délégué de la Fédération régionale de l’agriculture biologique (Frab) Midi-Pyrénées, cela engendrerait inévitablement un frein à la conversion car « l’investissement pour passer au bio étant important, les producteurs intéressés ne sauteront pas le pas s’ils ne sont pas assurés d’un soutien financier pour leur maintien. » De même, il souligne que l’arrêt de cette subvention mettrait en péril certaines filières telles que celle de la viande bovine pour qui cette aide est une véritable béquille. Ces réactions en chaîne auraient pour conséquence, non pas une pénurie de produits mais « une augmentation des importations issues de pays ne répondant pas au même cahier des charges concernant le bio », comme le souligne Vincent Labarthe, vice-président de la Région Occitanie, en charge de l’agriculture.
Mais la collectivité se veut rassurante à l’égard des professionnels. « Nous souhaitons maintenir cette aide », promet l’élu, appuyé par sa présidente Carole Delga qui tempère toutefois : « Le bio est une de nos priorités. Mais on ne va pas pouvoir se substituer à l’État. Nous nous devons d’avoir un budget à l’équilibre. » Des négociations sont donc encore ouvertes avec le gouvernement, notamment pour proposer la redistribution en Occitanie des fonds européens dédiés au développement du bio non consommés par les autres collectivités. Et la Région compte bien peser dans les débats, en tant que première de France dans le domaine de l’agriculture bio.
Avec 7 218 exploitations et 361 718 hectares bio ou en conversion en Occitanie, « la dynamique est positive », témoigne Virgile Bezin. « Notre politique en la matière a toujours été volontariste, au point même de transférer aux filières bio 30 millions d’euros de fonds européens alloués initialement au numérique », explique Vincent Labarthe. Car le secteur reste encore sous perfusion financière. Pour preuve, la Région Occitanie a débloqué une aide à l’investissement d’environ 17 millions d’euros par an (2014-2020). Quant aux subventions nationales à la conversion et au maintien dans toute la France, elles atteignent 160 millions d’euros par an, sur six ans.
Si tous les feux semblent au vert, le délégué de la Frab nuance donc : « Le secteur est tributaire des politiques publiques. Nous aurons ainsi un manque de visibilité préoccupant quand les aides au maintien auront été transférées. » Une incertitude qui entraîne de vives interrogations quant au modèle économique de la filière, invitant au débat les producteurs, les distributeurs comme les consommateurs.
Dossier ” Occitanie : le bio creuse son sillon ” :
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