TIC TAC. À Toulouse, il serait de bon ton d’être en retard. La ponctualité se compterait sur les doigts de trois mains, ou sur un quart de cadran. Ce fameux quart d’heure toulousain acceptable est-il particulier aux rives de la Garonne ?
// Par Gabriel Haurillon
Sié / JT« Le quart d’heure toulousain ? Je ne le pratique pas personnellement. Mon médecin, lui, l’utilise, je lui ai encore reproché avant-hier », râle Juliette avant de rattraper ses petits enfants qui gambadent rue Alsace Lorraine. Pour cette Toulousaine d’origine, la ponctualité, c’est une question de politesse. Au-dessus de sa tête, une bien étrange horloge semble témoigner de la relation ambiguë qu’ont les Toulousains au temps : ce ne sont pas 12, mais 24 chiffres qui ornent le grand cadran du 59 rue Alsace Lorraine.
« Moi je trouve ça pratique, au lieu de chercher une bonne excuse lorsqu’on est en retard, il suffit d’invoquer le quart d’heure toulousain », rigole Philippe en attendant sa fille. Alors les Toulousains sont-ils d’infâmes rustres ou ont-ils raison de laisser le temps au temps ? Selon l’étiquette, un peu des deux. Les règles de savoir-vivre veulent que la ponctualité prime en cas de rendez-vous à l’extérieur ou professionnel. En revanche, il existe un quart d’heure de courtoisie. Ce dernier prévoit d’arriver quinze minutes après l’heure dîte, afin de laisser à l’hôte une marge pour finaliser ses préparatifs.
Ces minutes supplémentaires poussent-elles uniquement sur les rives argileuses de la Garonne ?
Attablée à un café, Danielle semble accréditer cette thèse. Cette enseignante chercheuse n’a jamais pu se faire à cette permissivité horaire : « Pour moi, c’est une violence d’être en retard. J’ai étudié à Dijon où tout le monde est en avance. Ici, j’attends en permanence mes collègues, c’est pénible. » Selon le sociologue britannique Richard D. Lewis, en effet, les peuples dits latins seraient moins prompts à respecter leurs emplois du temps ou les délais imposés que les peuples du Nord de l’Europe. Une théorie que réfute dans un sourire l’historien toulousain Rémy Pech: « il faut prendre garde à ne pas institutionnaliser les éthnotypes : les gens du Sud ne sont pas plus indolents que les gens du Nord. J’ai commencé ma carrière à Tours, et on y évoque aussi le quart d’heure tourangeau. »
Entre deux lampées de bière en terrasse du Père Peinard, Victor, Toulousain d’adoption, confirme : « N’importe quoi ! Moi je viens de Bourges… et à l’origine, le vrai, c’est le quart d’heure berrichon ! » Ses deux voisins de tablée s’écharpent quant à eux sur la prévalence des quarts d’heure parisiens ou nantais…
Difficile de s’accaparer un retard que toute la France s’arrache. Ce manque de rigueur supposé ne semble d’ailleurs pas toucher le monde de l’entreprise. Yannis, arrivé de Lorraine en 2016 pour diriger le Décathlon de l’hippodrome, ne trouve pas à se plaindre : « C’est sûr que dans la vie en général, les gens sont plus détendus ici, mais mes collaborateurs sont toujours très ponctuels. »
Le site parodique ‘’le Soûlousain’’ a tout de même attribué son « quart d’heure toulousain Award 2017 » à l’enseigne irlandaise Primark dont le magasin du centre-ville, qui devait ouvrir initialement en mars 2015, est toujours en construction.
La rédaction
Le Journal toulousain est un média de solutions hebdomadaire régional, édité par la Scop News Medias 3.1 qui, à travers un dossier, développe les actualités et initiatives dans la région toulousaine. Il est le premier hebdomadaire à s'être lancé dans le journalisme de solutions en mars 2017.
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