Nous l’avons tous les jours sous nos yeux sans forcément y prêter attention. Il faut souvent attendre que le patrimoine soit menacé ou qu’il se consume en mondiovision pour réaliser son importance dans nos vies. Trois jours après le tragique incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, et alors que se tient la Journée internationale des monuments et des sites ce jeudi 18 avril, le JT s’est penché sur l’avenir des vieilles pierres.
L’immense émotion suscitée par l’incendie de Notre-Dame de Paris a confirmé ce que le succès populaire des Journées du patrimoine ou le carton plein des tickets de grattage émis dans le cadre du Loto du patrimoine avaient déjà démontré. L’engouement pour la préservation des monuments historiques semble au plus haut. « C’est un thème d’actualité car il touche à l’identité profonde, celle qui rassemble plutôt que celle qui divise », analyse Alain de La Bretesche, président de la fédération Patrimoine Environnement.
La prise de conscience de l’importance de sauvegarder l’héritage du passé ne date pourtant pas d’hier. Depuis la Seconde Guerre mondiale et encore plus à partir des années 1970, on assiste même à une « obsession patrimoniale » selon l’expert. Une réaction à une société en plein bouleversement qui voit les modes de vie traditionnels disparaître. Mais le patrimoine est une notion multiple, en constante évolution. S’il a longtemps a été associé à un réflexe de repli, il s’est ouvert progressivement à de nouvelles catégories (vestiges industriels, commerciaux, fluviaux…) et s’impose aujourd’hui comme le reflet d’une culture vivante, plutôt qu’une image figée du passé. « Malgré cela, on a continué pendant des années à aménager et étaler les zones urbaines sans tenir compte de cette dimension patrimoniale. Combien de remparts ont été détruits ou d’entrées de villes défigurées ? Nous sommes à peine en train de revenir de cette époque », note Alain de la Bretesche.
Dès 2007, un rapport sur l’état du parc monumental français avait tiré la sonnette d’alarme en faisant apparaître une aggravation importante des périls sur de nombreux bâtiments. L’an dernier, l’ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen estimait que, sur les 45 000 édifices protégés, un quart était en mauvais état et 5 % menacés dans leur intégrité. Une situation urgente pour Stéphane Bern. Le journaliste et animateur de télévision pointait récemment du doigt la mauvaise utilisation des financements : « Si des milliers d’ouvrages sont dans un tel état, c’est parce que la ligne budgétaire dédiée est employée pour toute autre chose. Nous restaurons car nous n’avons pas entretenu en temps et en heure. »
Malgré les signaux médiatiques positifs envoyés par l’État, l’ensemble des acteurs s’inquiète en outre des effets de la loi Élan, consacrée au logement, dont l’article 15 supprime dans certains cas « l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France ». Cette procédure exigée pour tous les travaux aux abords des monuments classés ou inscrits est une des rares armes efficaces pour protéger le patrimoine. « Il y a eu de beaux discours, mais le sujet n’a pas été évoqué une seule fois à l’occasion du Grand débat. Il ne s’agit pas uniquement de préserver 45 000 édifices car, en réalité, il pourrait y en avoir bien plus. La sauvegarde du patrimoine passera par un changement radical dans la façon d’aménager le territoire », assure Alain de La Bretesche. Pour ce dernier, l’enjeu est ainsi de donner une vraie affectation à tous ces monuments afin qu’ils « ne soient pas que des musées ou des poids économiques, mais des lieux vivants et utiles pour tous ». © Le Journal Toulousain
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