Au bout de la Rue de Metz, depuis plus de vingt ans, le Filochard est un rendez-vous incontournable des fêtards à Toulouse. Mais qu’est ce qu’un filochard en bon français ?
Le Filochard est-il un bar de filous ? de philosophes ? ou de fêtards fauchés ? Au bout de la rue de Metz, le nom de ce lieu de rendez-vous incontournable des noctambules toulousains alimente leurs conversations. C’est en avril 1999 que Josselyn Kerviel, un bistrotier breton, décide de reprendre le café du Pont-Neuf, du 6 de la place du même nom. Vue imprenable sur la Garonne, l’Hôtel Dieu, La Grave… voici le septième établissement que monte ce grand amateur de chouchen et de voyages, après être passé par Pau et le Lubéron. L’homme a dans l’idée d’en faire un lieu ouvert à tous, sans distinction de classe sociale. « Il était séduit par les cafés-philo, les endroits populaires, éclectiques, où l’on ne se soucie pas du niveau de vie de l’autre, où faire la fête efface les différences », dépeint Adam Shaw, qui a racheté le bar en 2006, sans rien en changer.
Ainsi, le frontispice du Filochard présente toujours la même bouille d’un marin mal rasé, au nez rougeoyant, avec son cache-œil, sa boucle d’oreille et sa pipe. Aux côtés de Croquignol et Ribouldingue, c’est un des héros de la bande dessinée des « Pieds nickelés », créée au début du siècle dernier par Louis Forton. Les aventures de trois poivrots, des escrocs à la petite semaine qui aimaient se frotter à l’autorité, policiers, militaires, bourgeois ou nantis : les premiers anarchistes du neuvième art. « Cette philosophie caractérise le lieu. L’idée que les pauvres ne pourront jamais s’en sortir sans prendre un peu d’argent aux riches », ajoute l’actuel patron du rade. Celui-ci aime aussi à se dire que le petit marin peu recommandable veille sur « le port de la Garonne » toute proche. Le dictionnaire des Pieds nickelés paru en 1975, nous apprend que le nom Filochard est issu du verbe filocher : s’enfuir.
Adam Shaw s’appliquera à insuffler la même ambiance dans les autres bars où il sera associé : la Taverne de Breughel l’ancien, le Petit bouchon ou le Fil à la une. « C’est l’esprit du collectif Bar-bars, qui participe à la diffusion de la culture dans toutes les couches de la société, en accompagnant et promouvant des artistes. Une belle façon de les soutenir socialement, eux qui sont très précarisés, et d’autant plus avec la crise sanitaire ».
Après avoir vendu son affaire, Josselyn Kerviel est allé en monter une autre, à Blagnac. Devinez comment il l’a nommée ? Le Ribouldingue ! Les trois Pieds nickelés ont même failli être tous réunis aux bords de la Garonne puisqu’en 2008, Adam Shaw a racheté un salon de thé toulousain, dont l’ancien nom était… Croquignol !
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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