Chaque semaine depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, des manifestants sont interpellés et parfois mis en garde à vue pour port d’armes. Le JT a voulu avoir des précisions sur cette qualification, souvent appliquée à des objets à priori banals.
Rassemblement des Gilets jaunes à Toulouse – ©Tom PujalteFigure emblématique des Gilets jaunes à Toulouse, Odile Maurin, présidente de l’association Handi-Social, sera jugée le 16 mai pour « violences envers des personnes dépositaires de l’autorité publique avec usage et menace d’une arme ». Une procédure devenue ordinaire depuis le début du mouvement. Ce qui l’est moins, c’est la nature de l’arme en question. En l’occurrence, un fauteuil roulant, dont l’activiste est accusée de s’être servie pour faire tomber sciemment un policier. Si elle reconnaît la chute d’un représentant des forces de l’ordre, Odile Maurin dément la version des faits présentée et affirme que c’est un CRS qui a manœuvré le joystick de son fauteuil.
Quoi qu’il en soit, cette qualification pénale d’un fauteuil roulant en tant qu’arme a de quoi étonner. Et donner du grain à moudre à ceux qui s’interrogent sur la multiplication des arrestations préventives, voire abusives. L’avocat d’Odile Maurin, lui, ne basera pas sa défense sur cette interprétation juridique. « Selon la jurisprudence, n’importe quel objet, même un animal, peut être considéré comme une arme par destination si l’intention de s’en servir est démontrée, ce qui n’est pas le cas pour ma cliente », rappelle maître Pascal Nakache. Pour ce dernier, ce n’est donc pas le fait en soi d’associer un fauteuil roulant à une arme qui pose problème, mais « la volonté d’aggraver la qualification pénale de manière erronée ».
Une vision confirmée par une autre avocate, maître Anne-Laure Chazan, qui a traité quelques dossiers de Gilets jaunes. « Une chose est sûre, en ce moment, le parquet a souvent recours aux circonstances aggravantes afin d’alourdir les peines. Et il y a régulièrement des abus. Même si l’on peut mettre en doute la qualification d’un objet en arme — j’ai notamment eu le cas d’un parapluie — la sanction de base encourue reste la même », précise-t-elle.
Samedi après samedi, la préfecture de Haute-Garonne fait systématiquement état, dans ses bilans des manifestations, d’interpellations pour port d’armes pouvant donner lieu à des gardes à vue, sans donner plus de détails sur leur nature. Contactée à ce sujet, l’administration s’est contentée pour l’heure de rappeler la loi : « Une arme par destination est tout objet conçu pour tuer ou blesser. Tout autre objet susceptible de présenter un danger pour les personnes est assimilé à une arme dès lors qu’il est utilisé ou destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer », nous confirme-t-elle.
« On constate une multiplication des arrestations préventives »
Une définition large qui permettrait aux autorités, selon certains, de durcir ses mesures et de restreindre les libertés. « On peut se demander s’il y a des consignes, mais l’on constate une multiplication des arrestations préventives. Dans le cadre d’une manifestation, beaucoup d’objets deviennent des armes, bien qu’ils ne le soient pas dans le droit commun. Cela pose question juridiquement », souligne Claire Dujadin, avocate membre de la France Insoumise, qui se rappelle avoir défendu un individu interpellé pour avoir ramassé un palet de lacrymogène lancé par la police lors de la mobilisation contre la loi travail.
Commentaires
Robert Soustre le 10/03/2025 à 10:11
Bonjour,
Thème: Armes par destination.
Les forces de l'ordre, par nature, ne sont pas différentes de l'ensemble de la population. Elles sont, en particulier, portées aux mêmes excès que la foule à laquelle elles se heurtent. La mauvaise foi manifeste qui soutient parfois l'imputation de "mise en oeuvre d'une arme par destination" témoigne des limites mentales de tout pouvoir qui se croit sans contrôle. En matière d'arme par destination, les mains, les pieds, la tête, la parole et la plume peuvent très bien être objets d'accusation, tant de la part de l'autorité que de la part des victimes de "bavures". La différence entre la foule des manifestants et les forces de l'ordre, c'est que ces dernières expriment un état de droit, juste ou dévoyé, et qu'elles sont censées représenter cet étant de droit dans leur action en obéissant aux ordres reçus. Ce faisant, elles gèrent bien ou mal, au même titre que la foule, les pulsions de violence qui les animent.