BREAK. Tout Toulousain ayant pris le train les a sûrement croisés une fois. Presque tous les soirs, des danseurs de hip-hop transforment les couloirs de la gare en piste de danse. Ne trouvent-ils pas de salle ? Espèrent-ils être repérés ? Le JT a enfilé ses sneakers pour mener l’enquête.
®franckalixUn vendredi soir, à la gare Matabiau. Entre deux annonces SNCF et le ronronnement des roulettes de valises, des notes de musique s’échappent du hall de la gare situé près de la sortie de la ligne A du métro. Un poste de musique balance un morceau de James Brown au groove communicatif. Postés sous les écrans d’affichage des départs et des arrivées, une dizaine de danseurs de hip-hop, ou “b-boys”, discutent avant de s’élancer sur le sol pour faire valser leurs jambes en l’air. Des voyageurs s’arrêtent, étonnés pour observer la scène.
Alors que les salles de danse dédiées au hip-hop se multiplient à Toulouse, comment expliquer que des danseurs investissent ce lieu public ? «La gare c’est à la fois un endroit bien desservi, chauffé et avec de grandes baies vitrées pour voir ses mouvements. Dans toutes les villes, c’est un lieu qu’ils apprécient», explique Julien Duron, membre du Mouvement associatif pour les cultures urbaines (Mapcu) à Toulouse et bon connaisseur du milieu pour avoir été lui-même b-boy de 1987 à 1999. «Le sol est aussi plus approprié que dans la rue ou dans les salles de danse où le parquet brûle énormément.»
Au-delà de ces aspects pratiques, l’explication est aussi à chercher dans l’identité culturelle du mouvement. À la gare Matabiau, on pratique la danse hip-hop comme à ses origines, dans le milieu des années 1970. D’abord dans les pas puisqu’on n’y voit que du break dance, à base d’acrobaties et de figures au sol. Ensuite dans la forme. «Ce qui se passe ici s’appelle “un cercle”, c’est-à-dire un moment dédié à l’entrainement», explique Adrien, 30 ans, danseur à la gare depuis 10 ans et qui ne pratique la discipline quasiment que lors de ces rendez-vous. «Tout le monde peut venir, il suffit de dire bonjour et de se faire accepter. La devise du hip-hop c’est “Peace, love, unity and having fun”, on ne juge pas. On teste, on échange, c’est une danse de partage», poursuit-il. «Théoriquement, il ne faudrait pas d’écoles mais des espaces dédiés, comme des friches avec du béton ciré par exemple », ajoute Julien Duron.
«Il arrive que la police ferroviaire, elle, nous vire parce qu’elle considère que la musique est trop forte», glisse Adrien qui croit aussi voir dans le réaménagement du hall et la disparition des prises électriques une volonté de les faire fuir. «Les guichets ont été déplacés là où l’on a l’habitude de danser. Ils ont aussi installé ce lino rouge, mais au final, le sol est mieux qu’avant», s’amuse-t-il prêt à revenir le lendemain.
Commentaires