PAPILLE – Privilégier les produits locaux dans les assiettes des jeunes toulousains n’est pas si simple. Le conseil départemental de la Haute-Garonne a donc déployé une plateforme en ligne pour rapprocher producteurs et gestionnaires des cantines. Avec pour objectif d’atteindre de 20 à 40 % de produits locaux dans les menus des collégiens d’ici 2020.
®franckalix/JTC’est l’heure de la pause déjeuner au collège Jean-Pierre Vernant dans le quartier de l’Hers à Toulouse. À 12h30, le réfectoire se remplit. Plateaux en mains, les élèves défilent dans le self et piochent dans les nombreuses entrées au choix : melon, pamplemousse, salade de tomates… En dessert, une pomme et un yaourt. Et pour le plat, des pommes de terre accompagnées d’un sauté de porc. Un petit panneau indique que la viande provient des Pyrénées. C’est la touche locavore de ce repas.
Chaque jour, les élèves et le personnel de l’établissement retrouvent ainsi dans leurs assiettes au moins un produit provenant d’un rayon d’une centaine de kilomètres autour de Toulouse. « Nous servons 600 repas par jour et nous arrivons à nous approvisionner jusqu’à 30 % en produits locaux », explique Hélène Garcia, chef de cuisine, qui passe les commandes et compose les menus.
Ce qui semble être une question de bon sens n’est pourtant pas si simple à mettre en œuvre. Dans un établissement scolaire, il ne suffit pas au chef de cantine d’appeler un producteur pour passer sa commande. Étant un établissement public, le collège doit passer un appel d’offre afin de mettre en concurrence ses fournisseurs. Pour que les agriculteurs de Haute-Garonne aient accès à cette procédure complexe, le conseil départemental a décidé de déployer l’outil numérique ‘’Agrilocal’’. Imaginée en 2012 par le département de la Drôme, cette plateforme en ligne permet aux gestionnaires et chefs de cuisine de lancer une annonce à des producteurs locaux en un clic, et ce, en restant en conformité avec le code des marchés publics.
Hélène Garcia ouvre la lourde porte d’une chambre froide pour montrer la commande de cette semaine : tomates, salades et asperges de Haute-Garonne viendront composer les entrées. « Je passe commande sur Agrilocal au moins une fois par semaine », explique-t-elle. « Si j’ai besoin de dix kg d’asperges par exemple, je poste une annonce. En général, dans la journée les producteurs font leurs propositions. Je fais mon choix en fonction du prix et de la distance. Je ne choisis pas au-delà de 60 kilomètres, sinon ce n’est pas rentable pour le producteur ».
Une démarche qui, selon la cuisinière, ne coûte pas beaucoup plus cher. « Quand une tomate du Maroc vendue par un grossiste est à 1.60 € / kg, celle de Haute-Garonne est à 1,65 €. » Les menus ne devant pas dépasser le tarif de 1,9 € à 2 € par repas et par personne, « nous équilibrons sur le prix des autres menus de la semaine », explique Christine Blanc, la gestionnaire. « Les prix ont légèrement augmenté la première année puis se sont stabilisés. En ne travaillant que du frais, nous avons aussi constaté que les élèves gaspillent moins ».
Pour le département, qui finance Agrilocal 31 à hauteur de 20 000 euros par an, « c’est une façon de faire de l’éducation au goût chez les enfants et de soutenir l’agriculture locale », explique Gilbert Hébrard, secrétaire à l’agriculture et à la ruralité au conseil départemental de la Haute-Garonne.
Parmi les producteurs qui livrent via ce système, Alexandre Hanrard, 27 ans, semble s’y retrouver. Ce maraîcher qui cultive 2,3 hectares à Lespinasse, au nord de Toulouse, écoule un quart de sa production auprès du collège de Fenouillet. « Je leur vends par exemple la salade à 65 centimes, alors qu’un grossiste me l’achète à 50 centimes maximum. Et quand le cuisinier m’a dit que les élèves finissaient leurs assiettes, je me dis que je ne travaille pas pour rien ».
Plus d’un an après sa mise en place en janvier 2016, 69 collèges sur les 90 établissements du département ont commandé au moins une fois sur la plateforme. Celui de Caraman atteint déjà la part de 40 % d’aliments en provenance de Haute-Garonne dans leurs menus.
« Il serait tout à fait possible de fournir les cantines avec 100 % de produits locaux, vu la richesse agricole du département », lance Gilbert Hébrard. « Mais pour l’heure, nous manquons de producteurs. Il faut également convaincre les chefs de cuisine de changer leurs habitudes pour pérenniser le dispositif ». Pour cela, le conseil départemental a notamment organisé en novembre, des ‘’speed dating’’ entre agriculteurs et cuisiniers afin « de créer du lien ». Pour simplifier le travail des cuisiniers, une réflexion est également menée avec certains agriculteurs pour les pousser à transformer leurs produits en amont, via des ateliers de découpe de viande par exemple.
Autre frein à lever pour attirer davantage de producteurs : leur garantir des commandes toute l’année, pour combler la période des vacances scolaires. Pour y remédier, la plateforme va désormais être étendue aux écoles, aux hôpitaux ou aux maisons de retraite.
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