Encore cinq semaines ? Peut-être plus ? Nous ne savons pas combien de temps va se prolonger le confinement instauré pour lutter contre la pandémie de Coronavirus. Une situation que connaissent bien, à quelques détails près, les astronautes. Et si nous écoutions ces leçons de patience qui nous viennent de l’espace ?
Rester enfermés plusieurs semaines ou plusieurs mois dans un espace réduit. Une situation inhabituelle que vivent les Français depuis le 17 mars dernier, date d’entrée en vigueur de la mesure exceptionnelle de confinement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, mais qui fait partie du quotidien des équipages des missions spatiales. Alors que le conseil scientifique a estimé qu’il serait bon de prolonger cette disposition jusqu’à la fin du mois d’avril, Stéphanie Lizy-Destrez, enseignant-chercheur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace – Supaero et spécialiste de la question des vols spatiaux habités, partage son expérience et nous livre quelques recommandations.
« Les effets du confinement se constatent au bout de trois semaines… Chez des gens entraînés, préparés à cette aventure et surtout très motivés », avertit cette ingénieure diplômée de l’école toulousaine, qui travaille depuis plusieurs années sur l’impact du confinement lors des missions de longue durée. Des projets de vols habités de plus de six mois vers la lune ou mars qui pourraient être lancés dans une quinzaine d’années. « Avec une équipe interdisciplinaire, nous étudions différents aspects physiologiques, psychologiques et techniques, pour mesurer comment la vie dans une capsule ou une base spatiale modifie les performances des membres d’un équipage », explique la spécialiste. Qualité du sommeil, précision du regard, humeur, évolution du nombre d’erreurs commises lors d’exercices… Une batterie de tests permet aux scientifiques d’analyser la situation, à partir d’expériences menées, sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, dans des centres d’entraînement en Russie, aux États-Unis ou en Pologne, et de rédiger des protocoles d’entraînement.
Toutes ces études ont permis à Stéphanie Lizy-Destrez d’observer que les personnes confinées passent par trois phases successives qui se répartissent équitablement dans le temps. « Tout d’abord, celles-ci sont sujettes à une forme d’euphorie dynamique où la motivation et la réalisation des objectifs prédominent. Les gens vont lire, bricoler ou faire un peu d’exercice. Puis la routine s’installe et l’on entre dans une période de remise en question. On s’interroge sur le sens. Enfin, à l’approche de la fin du confinement, la motivation remonte », décrit-elle.
Pour surmonter cette épreuve, celle-ci préconise de maintenir au maximum des activités physiques et un rythme de vie régulier et bien rempli. Mais elle alerte également sur la nécessité d’entretenir un lien social et des discussions avec ses proches, tout en sachant se préserver. « Il est aussi fondamental de délimiter des espaces personnels pour garantir notre intimité. Il faut malgré tout pouvoir s’isoler et se protéger d’une éventuelle promiscuité », ajoute-t-elle. Confinement ou pas, nous avons tous besoin de conserver notre jardin secret.
Mais l’une des principales différences que relève Stéphanie Lizy-Destrez entre une mission spatiale et la mesure d’urgence sanitaire décrétée par le gouvernement réside dans l’incertitude liée à la durée du confinement. « Normalement, les participants d’un vol habité sont informés de cette donnée à l’avance. C’est plus compliqué à gérer quand on est dans l’inconnu. Les gens risquent de rester plus longtemps dans la deuxième phase », s’inquiète la spécialiste. Pour analyser ce facteur, celle-ci a d’ailleurs profité de la situation pour lancer un test grandeur nature sur le campus de l’école. Quarante étudiants confinés dans leurs chambres de cité universitaire sont donc chargés de tenir un journal de bord, de répondre régulièrement à des questionnaires et d’effectuer des exercices en lignes. De quoi mieux appréhender l’impact d’un confinement subi et de durée indéterminée.
Alors, en attendant de recouvrer votre liberté, n’hésitez pas à ouvrir votre fenêtre. Ne serait-ce que pour sentir l’air frais sur votre visage et vous imprégner de l’odeur du monde. Car, comme le rappelle Stéphanie Lizy-Destrez, ce sont deux petits plaisirs très simples que les astronautes, eux, ne peuvent pas s’offrir.
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