Contraints de se substituer à des États et à une communauté européenne défaillants, 27 collectivités locales ont déjà rejoint la nouvelle plateforme de soutien à SOS Méditerranée, l’ONG engagée dans le sauvetage de migrants en mer. Une initiative solidaire lancée, entre autres, par la région Occitanie.
C’est l’un des drames majeurs du XXIe siècle. Depuis 2014, plus de 20 000 personnes ont perdu la vie sur la route migratoire la plus meurtrière au monde : la Méditerranée centrale. Pour pallier l’inaction des États européens qui manquent à leur devoir d’assistance en mer et sauver un maximum de naufragés, l’ONG SOS Méditerranée affrète des bateaux de secours depuis cinq ans. Mais cet engagement humanitaire, qui a déjà permis de sauver 31 799 personnes en détresse, a un coût. Près de 8 millions d’euros annuels financés à 90 % par les dons de particuliers et qui permettent de louer, équiper et faire naviguer Ocean Viking, l’actuel navire de l’association. Pour s’associer à cet effort, 27 collectivités locales ont lancé, sous l’impulsion de la Ville de Paris, la Région Occitanie et le Département de Loire Atlantique, une plateforme de soutien à l’ONG.
Grâce à cette initiative, les collectivités adhérentes espèrent infléchir la position des États de l’Union européenne, participer à la médiatisation de la situation et, enfin, contribuer au soutien financier des opérations. « Notre engagement s’inscrit dans le sillage de la forte mobilisation citoyenne. Nous avons le devoir moral de participer à cette démonstration de force collective pour provoquer un changement de politique. Au niveau national et européen », défend Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie. « Il est important que des élus, en France, montrent qu’ils sont prêts à prendre leur responsabilité collectivement quand les États se montrent défaillants », souligne Sophie Beau cofondatrice et directrice de SOS Méditerranée. Celle-ci espère d’ailleurs que de nombreuses autres collectivités, petites ou grandes, répondront à l’appel. « Cette plateforme doit rassembler au delà des considérations politiques et partisanes. Les collectivités sont un appui essentiel pour témoigner et dénoncer ce drame qui se déroule à nos portes », développe François Thomas, le président de l’association.
Par le biais de cette plateforme, SOS Méditerranée a pu réunir 800 000 euros, soit 10 % de son budget annuel. « C’est le moins que l’on puisse faire. On ne peut pas laisser cette mer qui nous réunit devenir le plus grand cimetière européen », s’émeut Anne Hidalgo, la maire de Paris, à l’origine de cette initiative, avant de rappeler les valeurs républicaines d’accueil et de fraternité. « Nous devons forcer les États à ouvrir les yeux », renchérit Philippe Grosvalet, président du Département de Loire Atlantique, qui participe au financement de l’ONG depuis deux ans. L’Occitanie, pour sa part, a contribué à hauteur de 60 000 euros l’an passé et de 75 000 euros cette année. Une aide financière qui vient s’ajouter à une enveloppe annuelle d’un million d’euros allouée à l’accueil des réfugiés et aux actions de sensibilisation que la Région souhaite multiplier.
Enfin, Carole Delga a réaffirmé sa volonté de proposer les ports appartenant à la Région (Port-Vendres, Port-la-Nouvelle, et Sète) comme possibles lieux de débarquement. Une invitation qui se heurte toutefois aux réticences du gouvernement et ne représente pas une alternative souhaitable pour les militants de l’association. « C’est à l’État responsable de la zone où a été effectué le sauvetage de mettre à disposition un lieu de débarquement proche et sûr. Envoyer un navire aussi loin avec des rescapés qui ont déjà passé plusieurs jours en mer suppose un risque supplémentaire », précise François Thomas.
Celui-ci se montre d’ailleurs inquiet du manque de garanties offertes par les pays de l’Union européenne sur les possibilités d’accéder à un port après un sauvetage. Surtout au moment où la crise sanitaire complique les débarquements. Une situation qui, pour les membres de SOS Méditerranée, comme pour les élus, renforce l’urgence de réaffirmer « l’inconditionnalité du sauvetage en mer ». Une obligation, pourtant établie par le droit maritime international, qui impose à tout capitaine de navire, comme aux États côtiers, de porter assistance à quiconque trouvé en péril en mer.
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