ÉCOSYSTÈME. Symbiosphère s’est spécialisée des refuges en bois pour espèces animales en milieu urbain. En pleine croissance, la jeune Scop démontre toute l’efficacité de l’économie sociale et solidaire en remettant la confiance au cœur des relations commerciales.
Arrivé à Fonsorbes, à une trentaine de kilomètres à l’Est de Toulouse, il faut s’engouffrer dans une impasse menant à une mini zone artisanale. Alors que les résidences neuves ont défilé quasiment sans interruption tout au long de la route, ici règne comme un air de campagne. Il faut passer plusieurs ateliers pour tomber sur Pierre Le Portal. Musique à fond et masque de protection bien en place, le menuisier en titre de Symbiosphère est en train de finir une grosse commande de collecteurs de déchets en bois. Là, entre les collecteurs déjà terminés entassés dans un coin, les amas de bois, les armoires remplies de nichoirs à oiseaux, gîtes à insectes et autres refuges et un grand tuyau en hauteur qui relie chacune des machines pour évacuer directement les copeaux vers l’extérieur, l’espace se fait rare. « Le voisin va bientôt partir à la retraite, on va en profiter pour pousser les murs. Il faut dire qu’en ce moment, on ne chôme pas », rigole Pierre Le Portal.
Ici pas d’open space ou de technologie dernier cri. Pourtant, sous ses airs de TPE tout ce qu’il y a de plus traditionnelle, Symbiosphère est en réalité l’un des fleurons locaux de l’économie sociale et solidaire, un des secteurs d’activité les plus dynamiques au niveau national avec des chiffres de croissance en constante progression. C’est du dernier emploi de Yann Le Portal, frère de Pierre, et ingénieur en environnement qu’est né le projet. « Il accompagnait des collectivités locales pour réduire leur utilisation de produits phytosanitaires et proposait des nichoirs qu’il ne trouvait qu’en Europe de l’Est ou en Chine. Il s’est rendu compte qu’il y avait un marché pour des objets plus qualitatifs et responsables », raconte Leslie Faggiano, docteur en écologie et troisième fondatrice de la société. L’ingénieur, l’experte en écologie et le menuisier ont donc associé leurs compétences pour lutter contre la première cause de perte de la biodiversité en remettant de l’habitat à destination d’espèces animales en milieu urbain.
Et avant même l’étude de marché, le statut juridique de scop s’impose comme une évidence. « Personnellement, je n’avais jamais pensé à l’entrepreneuriat. En tout cas, je n’aurais pas été aussi heureuse de me lancer autrement que sous cette forme là. C’est une question de rapport à l’argent. Mon but n’est pas d’en gagner mais de vivre d’une activité utile à la société et qui concilie travail intellectuel et manuel », affirme Leslie Faggiano. Un credo qui pourrait suffire à définir l’économie sociale et solidaire mais qui s’illustre aussi concrètement dans le fonctionnement de l’entreprise. Symbiosphère a ainsi opté pour un système de répartition des bénéfices clair : 50% en réserve et 50% déblocables dans cinq ans, à partager à égalité entre les salariés. « Le plus important est l’outil de production. L’argent est là pour soutenir l’entreprise et non pour permettre au patron de placer ses billes aux Bermudes », résume la jeune femme. D’ailleurs de patron, il n’y en a pas non plus. Conformément au statut des scop qui privilégie une gouvernance démocratique, les trois sociétaires pratiquent une gérance tournante et se réunissent chaque semaine pour prendre des décisions communes sur l’ensemble des sujets. Et les futurs nouveaux salariés que compte bientôt accueillir Symbiosphère pour faire face à la hausse constante d’activité devront également partager ces valeurs.
Évidemment, tout n’est pas rose dans le monde des Scop et si les membres de Symbiosphère ont bien conscience que certains n’optent pour ce statut que pour des raisons fiscales, eux croient dur comme fer en la dimension sociale et environnementale de leur entreprise. La société ne produit en effet aucun déchet et se fournit avec du bois local géré de manière durable. « Nous avons même un projet de groupement d’achat avec plusieurs sociétés de charpente pour pouvoir préciser aux clients de quelle parcelle vient le bois », détaille Pierre. De quoi aller vers toujours plus de confiance, facteur majeur de la réussite de Symbiosphère. « Nous gagnons des contrats grâce au statut de Scop. Les clients savent que nous ne sommes pas là pour amasser des billets, c’est évidemment un gage de qualité de notre travail », lance Leslie. À l’encontre du système qui considère l’économie comme une guerre basée sur la concurrence, les acteurs de l’ESS prônent donc la coopération, modèle tout aussi viable et bien plus vertueux selon cette dernière : « La solidarité n’est pas un vain mot. Entre coopérateurs, on se trouve des marchés les uns les autres. À nos débuts par exemple, nous envisagions d’aller sur le secteur des potagers mais nous avons rencontré une autre Scop qui se créait dans ce domaine, alors nous avons laissé tomber. Nous aurions été moins doués qu’eux et l’on se serait fait un ennemi. Aujourd’hui, nous avons gagné un partenaire. »
Dossier ” Pourquoi l’économie solidaire a de l’avenir ? ” :
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