Le collectif “Team Moore”, créé par un Toulousain, repère les prédateurs sexuels sur Facebook par le biais de faux profils d’enfants depuis plus de deux ans. Aujourd’hui, son fondateur réclame la stricte application des peines prévues par la loi, ainsi que leur durcissement.
Ils sont parents, bénévoles, citoyens ou anciennes victimes. Tous font partie de la “Team Moore”, un collectif composé d’une cinquantaine de membres. Créé il y a deux ans leur but est de repérer et d’intercepter les prédateurs sexuels par le biais du réseau social Facebook. À l’origine de cette initiative ? Steven Moore*, un père de famille originaire de Toulouse qui vit aujourd’hui à La Réunion.
Grâce à leurs actions, près de 80 dossiers ont été déposés auprès des autorités. Une cinquantaine de personnes ont été interpellées et 21 pédocriminels ont été condamnés à de la prison ferme ou du sursis. Le dernier en date : un Maubeugeois de 23 ans. Il a été condamné mardi 14 septembre à 18 mois de prison dans les Hauts-de-France. À Toulouse, une enquête est également en cours suite à un dossier déposé par la Team Moore pour “propositions sexuelles sur mineurs”.
Au départ, Steven Moore s’est inspiré de ce qui se fait dans les pays anglo-saxons. « Là-bas, 50 % des arrestations de pédocriminels sont réalisées grâce à des signalements de citoyens », souligne-t-il. Il a donc décidé d’adapter ces méthodes à la législation française.
Sur Facebook, les membres du collectif créent de faux profils d’enfants virtuels grâce à leurs propres photos filtrées pour être rajeunies. « Il est hors de question pour nous d’utiliser de vrais clichés d’enfants », appuie le fondateur. Ces faux comptes sont généralement rapidement contactés par des prédateurs. « Aucune provocation n’est faite, ils engagent eux-mêmes la conversation », poursuit-il.
Durant un à six mois, la Team Moore récolte ensuite toutes les photos, vidéos, extraits de conversations, contenus pédopornographiques ou autres preuves de corruption de mineurs. Elles sont ensuite rassemblées dans un dossier, puis remises aux mains des autorités. « Nous avons professionnalisé nos méthodes. Aujourd’hui, le simple signalement que nous faisons aux autorités suffit légalement à faire condamner la personne », ajoute Steven Moore.
« Certains gendarmes, policiers et procureurs travaillent en parfaite collaboration avec nous. Mais d’autres refusent que nous leur livrions (bénévolement, ndlr) des pédocriminels. Je trouve cela aberrant », se désole Steven Moore. En juin, Maud Petit, députée Modem, s’était exprimée à l’Assemblée nationale pour l’obtention d’un cadre légal. Il définirait à la fois les possibilités et les limites d’une collaboration entre le collectif et les autorités. « Il n’est pas question, ici, de se substituer à la justice. Mais d’être une force supplémentaire dans la lutte contre la pédocriminalité sur Internet », avait-elle déclaré.
En réponse, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, a clairement manifesté son opposition. « Qu’ils dénoncent des faits, d’accord. Mais les laisser intervenir dans le processus de la procédure pénale me semble très inquiétant. Il faut que chacun reste à sa place. Je ne demande pas aux policiers ou aux magistrats d’être boulangers ! »
« C’est une question de fierté, mais aussi un manque de volonté politique », selon Steven Moore. « La réalité, c’est que nous remettons plus de dossiers aux mains des autorités que leurs propres membres », souligne le fondateur. « En France, dans la police nationale, il n’existe que 14 cyberpatrouilleurs. Ils traitent des affaires de pédocriminalité, mais pas que. Selon l’ONU, en 2009, il y avait 750 000 prédateurs sexuels en recherche d’enfants sur Internet. Ce chiffre peut être multiplié par dix aujourd’hui. Personne n’est capable de mesurer l’ampleur de ce fléau », poursuit-il. Les dossiers s’accumulent et « le manque de personnel et de moyens est ingérable », constate le fondateur du collectif.
Mais son combat n’est plus tourné vers l’obtention de ce cadre légal. Aujourd’hui, Steven Moore lutte pour que des peines plus lourdes soient appliquées aux pédocriminels. Sur les 21 condamnations engendrées par le travail de la Team Moore, la peine maximale a été de deux ans (en Nouvelle-Zélande, septembre 2020, ndlr). « Je tiens à préciser que nous signalons des personnes qui veulent kidnapper des enfants, les violer, voire les tuer », souligne-t-il.
L’article 227-22-1 du code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme tel par voie électronique. « Je demande que ces peines soient réellement appliquées. Aujourd’hui, un SDF qui vole un sandwich pour se nourrir est autant condamnée qu’un pédocriminel », termine-t-il. Ces peines sont doublées lorsque les propositions sont suivies d’une rencontre. Elles s’élèvent à cinq ans d’emprisonnement, et 75 000 euros d’amende.
*Faux nom donné au créateur du collectif
Commentaires
Sandrine Brard le 12/03/2025 à 20:29
Je voulais vous dire merci.
J'ai une enfant de dix ans, connectée et j'ai peur.
Si je peux être utile, dites moi.