Proximité. La mairie de Toulouse entend lutter contre la concentration de kebabs, boucheries hallal et autres commerces “communautaires” en usant de son droit de préemption. Une opération qui encourage la diversité des commerces ou qui stigmatise certaines populations ? – Maylis Jean-Préau
© Franck Alix« Aujourd’hui, dans le quartier Arnaud-Bernard, il n’y a plus seulement des kebabs mais aussi un cordonnier, une épicerie fine, un restaurant bio… », énumère Jean-Jacques Bolzan, adjoint au maire chargé du commerce. Pour lutter contre la concentration des commerces communautaires dans ce quartier, la ville de Toulouse utilise son droit de préemption. Un droit qui existe depuis 2005 et dont le but est de faire face à la dévitalisation des centres-ville. « Lorsqu’un local est mis en vente, si le repreneur ne permet pas de répondre aux différents besoins du quartier, nous nous manifestons pour le racheter », poursuit Jean-Jacques Bolzan. La mairie lance ensuite un appel à candidatures et sélectionne un commerce correspondant à ses critères. À la clé, pour le bénéficiaire, un loyer modéré, l’absence de droit d’entrée et la possibilité de racheter le local. La mairie de Toulouse a déjà utilisé 12 fois son droit de préemption. Deux appels à projets sont actuellement ouverts. D’abord réservée aux quartiers Arnaud-Bernard, Bayard, Belfort et Pargaminières, l’opération “Commerce d’avenir” s’est étendue à 33 cœurs de quartiers, allant de Lafourguette à Lalande.
« Dès 2008, lors du premier mandat de Jean-Luc Moudenc nous avions réfléchi à utiliser notre droit de préemption. À l’époque, nous ciblions les faubourgs où les banques s’installaient au détriment des commerces de proximité », raconte Jean-Jacques Bolzan. Finalement initié à Toulouse en 2010, sous le mandat de Pierre Cohen, le principe de préemption a perduré lors du changement de couleur politique au Capitole. Cette fois, ce ne sont plus les banques qui sont visées mais les kebabs. « Je n’ai rien contre les kebabs, mais je suis contre la concentration », poursuit l’élu. Cette opération est plébiscitée par les commerçants bénéficiaires. Ainsi, la gérante de l’auberge végétarienne Zinzin n’a pas eu à débourser 80 000€ pour l’achat d’un fonds de commerce. « Depuis que certains commerces se sont installés ici, je retourne dans certaines rues où je ne mettais plus les pieds. C’est positif pour l’image et la dynamique du quartier », assure Philippe, membre du comité de quartier Arnaud-Bernard. Néanmoins, certaines voix s’élèvent pour dénoncer, derrière cette mesure, une stigmatisation de la communauté musulmane. « La concentration de restaurants asiatiques rue Denfert-Rochereau n’inquiète pas la mairie, les kebabs si », critique un commerçant d’Arnaud-Bernard. Toulouse n’est pas la première ville à préempter pour orienter le paysage commercial. Dans les quartiers Est de Paris, une action similaire existe afin de lutter contre la monoactivité. Celle-ci n’est pas forcément jugée mauvaise d’un point de vue commercial mais a pour effet « de ne pas répondre aux besoins des habitants », selon un rapport de la mairie de Paris en 2011. En dehors de la préemption, d’autres outils émergent à travers la France pour revitaliser les cœurs de quartiers et diversifier les commerces: aide au paiement des loyers pour des artisans et commerçants testant de nouveaux concepts ou encore recrutement d’un manager de centre-ville pour suivre l’activité commerciale.
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