Avec le confinement, l’activité d’Amazon augmente considérablement. Xavier*, chef d’équipe au sein d’une entreprise sous-traitante, travaille sur le site toulousain de la multinationale. Il témoigne de son mal-être devant la faiblesse des mesures de précautions sanitaires.
Chaque jour depuis le début du confinement, Xavier* a un peu plus de mal à se rendre le matin sur le site toulousain d’Amazon, route d’Espagne, où il travaille. Son entreprise, dont une partie de l’activité consiste à assurer les livraisons en sous-traitance pour le géant américain, y a ses locaux. « Alors que tout ralentit partout ailleurs, ici c’est l’inverse, rien n’arrête la grosse machine. Bien avant de se pencher sur des mesures sanitaires, leur priorité a été d’anticiper la hausse des commandes. Et comme nous faisons office d’agence d’intérim pour eux, nous avons embauché des chauffeurs en plus, ce qui augmente encore le nombre de personnes qui circulent sur le site », raconte le chef d’équipe.
Ainsi, au-delà des 70 salariés du centre toulousain, entre 150 et 200 personnes fréquentent encore quotidiennement le hangar de 7500 m². La semaine dernière, le syndicat CFDT chez Amazon Logistique a dénoncé « l’attitude dangereuse de la firme et le non-respect des mesures de précaution dans les entrepôts », demandant à ce que les salariés puissent faire valoir leur droit de retrait. Une requête à laquelle la direction s’est fermement opposée. Considérant que la situation de travail ne présentait « aucun danger grave et imminent », elle a indiqué que toute absence de poste ne serait pas rémunérée. Une pression jugée inacceptable par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, mais contre laquelle les employés ne peuvent pour l’instant pas grand-chose.
« Oui, une fois les décisions prises pour absorber le flux d’activité, des choses ont été mises en place. Il y a du gel hydroalcoolique, des masques et, dans les toilettes, un lavabo sur deux est condamné pour respecter les distances. Mais ils peuvent multiplier toutes les précautions qu’ils veulent, les contacts sont forcés », confie Xavier, qui travaille dans un bureau non aéré où il côtoie les chauffeurs qui livrent environ 150 colis par jour. Comme le révèle un article de Médiapart, Ronan Bolé, président d’Amazon France logistique, a lui-même déclaré lors d’une réunion téléphonique avec les représentants des syndicats que la multinationale n’appliquait pas encore à la lettre les recommandations gouvernementales en termes de protection des salariés contre le coronavirus.
À l’image de qui s’est passé sur d’autres sites en France, le trentenaire aimerait qu’une action collective puisse être engagée à Toulouse. « Nous en avons discuté au niveau de notre entreprise. Mais, avec trois sous-traitants présents sur le site, Amazon fait peser la menace des parts de marché : si tu t’arrêtes, derrière, il n’y a plus de boulot. C’est le bon vieux diviser pour mieux régner », poursuit-il. Malgré des horaires aménagés et un peu de télétravail mis en place par sa société, Xavier évoque un réel mal-être à continuer à se rendre chez Amazon dans ce climat. « Entre la suspicion générale et ceux qui n’ont pas pris conscience de la situation, il y a une ambiance vraiment malsaine. Quand je rentre à la maison, la première chose que je fais est de me doucher et de mettre mes affaires dans la machine, mon entourage est inquiet ».
Comme beaucoup de personnes encore en activité, il se sent coincé par « l’attitude paradoxale du gouvernement », entre l’injonction au confinement et l’incitation à poursuivre le travail. « Quand on voit ce qui se passe en Italie, on se dit que c’est fou de continuer. Toute l’activité qui perdure au sein d’Amazon met en danger le reste de la population. Et tout cela pour livrer des choses la plupart du temps inutiles, c’est absurde », lance-t-il. À ce sujet, la firme de Seattle a annoncé ce week-end qu’elle allait désormais donner la priorité aux produits dits essentiels. Mais la typologie de ces derniers demeure assez large. Pas de quoi rassurer Xavier donc, qui songe sérieusement à tout arrêter : « Cela me retombera certainement sur la tête, mais je me sens trop mal pour continuer ».
*Le prénom a été modifié
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