RÊVE GÉNÉRALE – Remonter les boulevards, les allées Jean-Jaurès, Esquirol ou Arnaud Bernard. Entendre résonner la chanson des Motivés pour la centième fois. Brandir les mêmes pancartes avec les mêmes slogans pour protester contre une énième réforme des retraites ou la fermeture d’une usine. La manifestation fait désormais partie du décor. Mais dérange-t-elle encore ? Misant sur l’effet de surprise, des activistes connectés et créatifs reprennent le flambeau : ils collent des messages sur les murs de la ville, se déguisent, recueillent des millions de signatures en ligne ou fauchent des chaises. À l’heure de la rentrée sociale, le JT sonde ces nouvelles formes de militantisme.
©empanada_parisDes ordonnances sur la loi Travail aux besoins des universités, en passant par la crise des réfugiés, les thèmes de friction ne manquent pas en cette rentrée. Mais, avec une opposition éclatée et aphone face à l’écrasante majorité LREM et des syndicats à bout de souffle qui ne représentent plus qu’une dizaine de pourcents des salariés français, les cortèges pourraient être clairsemés. « Le nombre des mobilisations et l’affluence qu’elles suscitent ont tendance à reculer », confirme Geneviève Azam, chercheuse en économie à l’université Jean-Jaurès et membre du conseil scientifique d’Attac France.
« Aujourd’hui, on n’attend plus le grand soir, on cherche de la visibilité »
Jusqu’au 27 août, l’organisation altermondialiste tient son Université d’été européenne des mouvements sociaux dans les locaux de la fac toulousaine.Il y est notamment question de l’évolution et de la diversité des modes d’action militants : « On s’aperçoit que de nouvelles formes de mobilisation sont en train d’émerger », assure Geneviève Azam. La chercheuse de citer des actions spectaculaires de désobéissance civile, comme celles de Cédric Herrou, auprès des réfugiés de la Vallée de la Roya. Les jugements des tribunaux sont devenus un moyen très efficace de médiatisation et de sensibilisation de l’opinion publique. D’autant plus depuis l’avènement des réseaux sociaux, qui diffusent l’information mieux que n’importe quel communiqué : « Aujourd’hui, on n’attend plus le grand soir, on cherche de la visibilité »,confie Geneviève Azam.
Dévoilant les secrets honteux des entreprises ou des États, les lanceurs d’alertes sont aussi des militants d’un nouveau genre : « Ils prennent des risques incroyables. Leur combat n’est pas qu’une manifestation, c’est un réel engagement intellectuel, moral et physique. » Geneviève Azam considère même « la résistance des collectivités locales face à la défaillance des États » comme une forme de lutte à part entière. Ainsi, à Grenoble, le maire écologiste force la transition énergétique. Aux États-Unis, des villes contrecarrent les décisions de Donald Trump, en Espagne, les anciens Podemos dirigent plusieurs municipalités.
Blocage de sites dangereux ou zones à défendre (ZAD) sur des chantiers de grands projets, c’est à l’échelon local que l’évolution des mouvements sociaux est la plus visible : « Il n’y a plus de passivité sociale. Les mobilisations, spontanées, s’inscrivent désormais dans les territoires et engagent les citoyens sur des expériences concrètes, dans la durée. » Et le point commun de ces nouveaux modes de mobilisation est sans nul doute leur non-violence : « Si beaucoup pensent encore qu’il suffit de casser pour faire parler de soi, ces mouvements pacifistes ont prouvé qu’ils sont d’une efficacité bien plus redoutable .»
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