À 31 ans, l’escrimeur Alexandre Bardenet dispute ses premiers Jeux Olympiques cet été à Tokyo. Licencié à l’Escrime Rodez Aveyron, le Valenciennois de naissance mais Aveyronnais d’adoption revient de loin. En panne de confiance il y a cinq ans, il est passé dans une toute autre dimension en intégrant le top 15 mondial. Eliminé en huitième de finale en individuel, le spécialiste de l’épée peut se rattraper avec la compétition par équipe qui débute ce vendredi 30 juillet.
Le stress et l’excitation des premiers JO. Faire un bond dans l’inconnu et participer à l’événement sportif le plus regardé dans le monde pour la première fois, c’est ce que vit cet été l’escrimeur spécialisé dans l’épée, Alexandre Bardenet. Natif de Valenciennes (Nord) mais très attaché à l’Aveyron, sa terre d’accueil, celui qui a fêté ses 31 ans le 26 mai dernier avouait attendre avec impatience ces Jeux si particuliers, Covid-19 oblige. « Il y a un peu d’appréhension, mais beaucoup de fierté de représenter la France et mon club. Beaucoup d’émotions me viennent », confiait-il avant son départ pour Tokyo.
Il faut dire qu’Alexandre Bardenet revient de loin. Très impressionnant, notamment lors de ses années en juniors avec trois podiums à la clé, le licencié au club d’escrime de Rodez a eu beaucoup de mal lors de la transition dans la cour des grands. « Il fallait être prêt, je pense que je ne l’étais pas mentalement », avoue-t-il. « Je viens d’un tout petit club au départ. J’ai intégré un pôle à Reims où j’étais tout de suite le meilleur. J’étais couvé par l’entraîneur et je suis arrivé dans un monde où il n’y a pas de place pour le côté familial. On est performant ou on ne l’est pas. Je n’étais pas préparé à ça. »
Avec du recul, Bardenet reconnaît ses fautes. « Je n’ai pas su bien gérer l’échec au début, je n’ai pas su rebondir, je m’en suis servi un peu pour m’apitoyer sur mon sort alors que j’aurais dû affronter cela et m’en servir pour être plus productif. » affirme-t-il en toute franchise. L’un des tournants fut certainement l’aide d’un préparateur mental qui l’a remis sur le droit chemin, l’a aidé à prendre sa carrière en main pour être maître de son destin. Son arrivée à Rodez a également été un tournant, comme il l’explique : « Au club, ils m’ont donné une nouvelle dynamique, ils se sont beaucoup occupés de moi, surtout dans les mauvais moments, et c’est pour ça que je leur en suis infiniment reconnaissant ».
Alexandre Bardenet n’est toutefois pas surpris par ce parcours en dents de scie. « L’escrime est un sport assez tardif, un sport de maturité. À l’épée, le vice-champion olympique de Rio avait 43 ans. Je suis encore jeune pour lui (rires). Ce n’est pas comme le football ou d’autres sports, où on peut percer très jeune », admet celui qui est passé du 300e au 11e rang mondial entre les deux Olympiades avec même un passage dans le Top 10. « Il existe des exceptions mais l’escrime est davantage un sport avec beaucoup de stratégie, qui nécessite une arrivée un peu tardive dans le haut niveau. Quand vous regardez la moyenne d’âge de l’équipe olympique, c’est 31 ou 32 ans. »
Passé le creux de la vague, c’est donc en pleine confiance qu’Alexandre Bardenet abordait ces JO. L’escrimeur a remporté son premier titre de champion du monde chez les seniors, en équipe, lors des Mondiaux 2019 à Budapest, en Hongrie. « C’était l’accomplissement d’une saison incroyable pour moi. J’ai changé de dimension à ce moment-là. 2019 et 2020 ont été les deux saisons phares. » Des podiums, des victoires en Coupe du monde et un jeu d’escrime retrouvé ont suffi à raviver une flamme qui ne s’est pas éteinte depuis. « Le regard des adversaires a changé, j’ai senti qu’on me craignait. C’est un autre levier de confiance. Même chez les tops escrimeurs. Le top 10 mondial me regarde différemment. »
La sélection acquise, l’euphorie retombée, vint le temps de la préparation pour Alexandre Bardenet et ses compagnons d’armes. D’abord, beaucoup de physique « pour ne pas être blessé, pour être capable d’être explosif et de tenir un effort sur la durée ». Ensuite, le programme fut consacré à l’escrime et exclusivement à l’escrime.
Quand on lui parle de la crise sanitaire qui aurait pu freiner cette montée en régime, Alexandre Bardenet est clair : « C’est pour tout le monde pareil. Les JO, il ne faut pas les subir. Je n’ai pas l’intention de me faire pourrir les Jeux par le virus. Je veux profiter de la piste, de l’événement car c’est peut-être une fois dans une vie. »
Avant d’entrer en lice à Tokyo, l’athlète ne cachait donc pas son ambition. Que ce soit en individuel mais surtout en équipe où l’objectif revendiqué sera de confirmer le titre mondial obtenu il y a deux ans. « J’y vais pour gagner le plus de matchs possibles. Je veux être capable de faire mon escrime, et voir là où ça va me guider. Mais j’ai bien sûr dans un coin de ma tête le podium et l’or. Et par équipe, on ne va pas se mentir, on y va pour gagner. Nous sommes aussi amis dans la vie. Pour les équipes qui vont nous rencontrer, ça va être très dur » », assurait-il.
Eliminé en huitième de finale par l’Italien Santarelli malgré un beau combat (15-11), l’Aveyronnais d’adoption a donc une magnifique chance de se rattraper ce vendredi 30 juillet (à partir de 4h25) avec la compétition par équipe. D’autant que l’épéiste licencié en Occitanie aura à ses côtés un certain Romain Cannone, qui a déjoué tous les pronostics et battu les meilleurs de sa discipline pour devenir, il y a quelques jours, champion Olympique en individuel. Récoltant au passage la première médaille d’or de la délégation française à Tokyo. Après un tel combat, revenir de Tokyo avec une médaille autour du cou serait une juste récompense pour celui qui n’a « jamais rien lâché ».
Kenny Ramoussin (avec Nicolas Mathé)
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