Les rapports entre certains jeunes des quartiers populaires et des représentants des services publics restent souvent dégradés. Pour renouer le dialogue entre eux, certains ont choisi le sport.
Officiellement, tout commence en 1999, lorsque Jean-Pierre Havrin prend la tête de la sécurité publique du département de Haute-Garonne. Défenseur de la police de proximité créée un an plus tôt, il prône le rapprochement de ses troupes avec les citoyens, notamment avec les jeunes des quartiers populaires de Toulouse. « J’ai toujours su que la police n’est pas l’ennemie de la population. Elle est à son service », confie-t-il. Et c’est par le sport qu’il parvient à nouer le dialogue.
Une initiative nouvelle, quoique déjà éprouvée dans la ville voisine de Colomiers depuis les années 1980. « Petits, on jouait au football avec les policiers, deux fois par mois. On avait de bons rapports avec eux à l’époque », se rappelle Foued, un habitant du quartier du Pelvoux. Mais ces rencontres restaient officieuses et ne relevaient pas d’un dispositif particulier. Jean-Pierre Havrin lui, a donc démocratisé la méthode.
Dès les premiers mois suivant sa prise de fonction, le patron de la police locale organise ainsi un match de football avec les jeunes du quartier toulousain du Mirail. Cette initiative avait, à l’époque, fait couler beaucoup d’encre dans la Ville rose. Le coup de sifflet final avait pourtant marqué le début d’une période nouvelle pour la police toulousaine et pour les jeunes des cités. Les rencontres du même type se sont enchaînées, dans différents sports, et les rapports ont changé entre les deux parties. Plus besoin d’être « équipés comme RoboCop », se remémore Jean-Pierre Havrin avec un large sourire. Les agents du service public étaient bien accueillis dans les quartiers, ils se faisaient offrir des boissons chaudes et obtenaient facilement des renseignements.
Mais, en 2003, Jean-Pierre Havrin se retrouve sous le feu des projecteurs. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, dit vouloir féliciter publiquement le policier et se rend à Toulouse. Cependant, rien ne se passe comme prévu. Une fois sur les lieux, le locataire de la place Beauvau sermonne : « La police est au service du pouvoir et non des citoyens! » Les rencontres sportives entre les jeunes et les forces de l’ordre prennent donc fin au grand désespoir de Jean-Pierre Havrin.
« Le climat de tension est réapparu quelques mois plus tard », affirme l’ancien directeur de la sécurité publique de Haute-Garonne. Au moment où la braise semblait s’éteindre, l’incendie a repris de plus belle entre les habitants des quartiers populaires et les représentants des services publics.
À Toulouse, c’est la régie des transports Tisséo qui s’est alors emparée de l’idée. Certaines « lignes à problèmes » ont pu ainsi revenir au calme. « Grâce au sport, nous avons pu instaurer un dialogue. Partant du principe que la répression n’est pas la solution », déclare François Perez, responsable de la communication chez Tisséo.
En Seine-Saint-Denis, en Essonne, dans les Bouches-du-Rhône… Partout en France, les agents du service public se prêtent au jeu. À Besançon, dans le quartier Planoise, un match de football a réuni « une bonne partie de la ville » d’après un des organisateurs, Karim Bouhassoun. Le mouvement citoyen Bisontines/Bisontois, des habitants de la cité et la police, ont préparé cette rencontre main dans la main. Les commerçants et la municipalité ont également participé. Bilel, conducteur de bus et enfant du quartier Planoise a chaussé les crampons pour l’occasion. Évoluant dans l’équipe des services publics, il a alors affronté ses « petits frères ». Son ami Rachid était lui dans l’équipe adverse. Et les deux sont unanimes : « C’était, une journée, incroyable. Sous le signe du respect et de la bonne humeur. » Tous espèrent un match retour.
Hocine Zaoui
En attendant, des initiatives visant à faire du sport un vecteur d’insertion sociale fleurissent dans toute la France. Et ce auprès de publics très variés. Qu’il s’agisse de football en marchant pour que les personnes âgées puissent garder un lien social, de karaté pour que les femmes victimes de violence se réapproprient leur corps, ou d’athlétisme pour aider les autistes à maîtriser leurs angoisses. Un petit échantillon des nombreux projets que le JT met en exergue dans ce dossier du mois d’octobre.
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