Binobile, aide-soignant en psychiatrie à Toulouse, se sert de l’humour pour briser les tabous et apporter un vent de positivité sur TikTok. Avec sa phrase devenue culte « Mais ça va pas ou quoi là ? », il distille sa bonne humeur sur les réseaux sociaux.
« Mais ça va pas ou quoi là ? » Peut-être avez-vous déjà entendu cette phrase exprimée d’un air désapprobateur, après avoir énoncé des anecdotes agaçantes du quotidien ? Elle nous vient tout droit de Binobile, un aide-soignant en psychiatrie à Toulouse. À 36 ans, le Toulousain connaît un vif succès sur les réseaux sociaux grâce à cette phrase reprise partout, même par certaines célébrités. Il poste une quinzaine de vidéos par jour pour faire rire près de 800 000 abonnés sur TikTok avec son gimmick. Mais comment en est-il arrivé là ?
S’il reste léger sur les réseaux sociaux avec ses blagues et sa phrase devenue virale, Binobile cherche à être le plus naturel et le plus honnête possible. En effet, il n’a jamais caché sur les réseaux sociaux d’où il venait. Dans plusieurs vidéos, il a déjà évoqué son adoption à sa naissance. Né au Cap-Vert, un archipel d’îles volcaniques situé en Afrique de l’Ouest, il nous raconte : « La personne qui m’a mis au monde ne pouvait pas s’occuper de moi et elle a préféré que je sois élevé par une autre femme. Ma mère (celle qui l’a adopté), d’origine italienne, ne pouvait pas avoir d’enfants, elle est donc venue me chercher dans un orphelinat, alors que je venais de naître. Puis, j’ai grandi avec elle et mes trois autres frères adoptifs, à Toulouse. »
Il relativise tout de même : « Si les histoires d’adoption que nous voyons sur les réseaux sont tristes, la mienne ne l’est pas. Je n’ai jamais vu cela comme une souffrance. »
Il forge ainsi une relation « très fusionnelle » avec sa mère, ses grands-parents, et ses trois frères, d’origine nord-africaine. « Ma mère travaillait beaucoup, je passais donc mon temps chez mes grands-parents. Et si ma mère m’a transmis énormément de choses, ils ont eu un rôle majeur dans mon éducation. Mon grand-père était strict mais juste, et ma grand-mère m’a appris les vraies valeurs de la vie », se souvient-il avec reconnaissance.
Le jeune Binobile rencontre malgré tout quelques difficultés à l’école : « J’ai eu pas mal de problèmes parce que je suis le seul noir de ma famille. Mes camarades de classe ne comprenaient pas trop. Puis, j’étais un élève très perturbateur. Je préférais rigoler et faire l’idiot. Finalement, j’étais tellement insupportable que les professeurs m’ont placé en troisième d’insertion avant de m’envoyer dans un internat. De là, j’ai erré pendant plusieurs années », avoue-t-il.
Pourtant, le jeune Toulousain avait des rêves plein le cartable. Dès son plus jeune âge, il voulait être soignant ou styliste. Mais il a fait face à certains obstacles, comme il explique : « Dans ma famille, résistaient quelques stéréotypes sur ces professions : “Ce ne sont pas des métiers d’hommes ! ” Des préjugés qui m’ont un peu bloqué dans mes études. »
Puis, un jour, il a un déclic. Binobile décide finalement de poursuivre son rêve et de devenir soignant. Il raconte : « Je me suis dit que pour faire ce métier, il fallait que je rentre dans le milieu petit à petit. J’ai donc commencé à travailler dans des maisons de retraite l’été. J’y faisais le ménage. » De fil en aiguille, son employeur lui propose une formation. « Je suis parti à la Croix-Rouge, pendant un an, et c’est comme ça que j’ai eu mon diplôme », dit-il.
Le Toulousain devient alors aide-soignant. Il travaille d’abord en EHPAD pendant plus de 5 ans, avant d’intégrer le milieu hospitalier en 2022, le secteur psychiatrique plus précisément. « Dans ces unités, les soignants prennent beaucoup plus de temps avec les patients, à la différence d’autres spécialités où ils travaillent sous pression », explique-t-il pour justifier son choix.
Son rôle, désormais, est de s’occuper de patients atteints de pathologies psychiatriques : « J’accompagne des schizophrènes, des bipolaires, des dépressifs et des personnes dépendantes aux drogues comme la cocaïne. Nous sommes là pour les aider à redevenir eux-mêmes. » Son planning l’amène alors à travailler en horaires décalées, soit le matin, soit l’après-midi. Des heures durant lesquelles, il est « à l’écoute des patients ». Entretiens, activités intérieures, sorties au cinéma, promenades… Le Toulousain garde en tête son objectif : « Nous travaillons à la sortie rapide du patient, parce que notre rôle est de le préparer à vivre à l’extérieur. »
En parallèle, lorsqu’il ne travaille pas, il adore écouter de la musique, qu’il voit comme une « thérapie ». Il a d’ailleurs trouvé du réconfort dans les chansons de certains artistes, et plus particulièrement dans celles de Mariah Carey. « C’est une très belle parolière. Lorsque j’étais plus jeune, je ne comprenais pas l’anglais. Alors j’ai traduit toutes ses chansons dans lesquelles elle parle d’amour mais aussi de racisme, en s’inspirant de son expérience personnelle. Avec toujours un message d’espoir. Je pense d’ailleurs que c’est pour cela que sa musique a pu m’aider », explique le Toulousain.
Cet amour pour Mariah Carey et sa positivité, il les partage désormais sur les réseaux sociaux. Lors du premier confinement lié au Covid-19 en 2020, Binobile, alors aide-soignant en Ehpad à Toulouse, s’est tourné vers TikTok pour montrer son quotidien, au travail, alors que la majorité des Français était enfermée chez eux. Pourtant, il n’était pas adepte du concept : « Je me disais que jamais de la vie, je ne me mettrais à parler tout seul à des gens que je ne connais pas ». Mais ses vidéos font le buzz !
Il prend finalement goût à l’exercice et développe un contenu varié mêlant humour, danse et clins d’œil à la télé-réalité. Une activité qui devient rapidement un moyen d’évasion et de relâchement face à la pression du travail en milieu psychiatrique : « C’est une petite soupape, un moyen de décompression. À travers mes vidéos, j’essaie de partager un peu de bonheur, et finalement, je vois que cela fait du bien aux gens, et que ça me fait du bien à moi aussi. » Ses abonnés peuvent ainsi le voir danser : « Quand j’étais plus jeune, j’ai fait de la danse classique, donc on peut dire que j’ai ça dans la peau », sourit-il.
Après plus de 4 ans de vidéos, le succès est au rendez-vous : spontané et franc, il séduit de plus en plus d’abonnés. Il raconte : « Ma dernière vidéo, je l’ai filmée à mon réveil. J’ai allumé mon téléphone, j’ai lancé l’enregistrement, j’ai fait une phrase sur les couples qui se plaignent tout le temps, en terminant par ma phrase “Mais ça va pas ou quoi là ?”, et j’ai publié. » Il se filme parfois au réveil en pyjama, ou avec le masque de sa machine de traitement contre l’apnée du sommeil. « Comme ça, les gens comprennent que je suis comme eux », ajoute le Toulousain. Un naturel qui fait mouche.
C’est au moment où son expression « Mais ça va pas ou quoi là ? » devient virale que tout change pour Binobile. « Cette phrase, je l’ai tellement dite, que je ne me rappelle plus d’où elle vient. En tout cas, c’est la façon de la dire qui a fait rire », observe-t-il. Repris par des millions de personnes, dont Camille Lellouche, chanteuse et actrice française, son gimmick fait le tour des réseaux sociaux et chacun se le réapproprie à sa manière.
Aujourd’hui, le Toulousain jongle entre son métier d’aide-soignant à Toulouse et ses projets sur TikTok, avec le lancement prochainement de sa marque de vêtements qu’il a baptisée #CVPOQ by Binobile. Voulant rester fidèle à lui-même, il s’assure également que ses partenariats restent en adéquation avec ses valeurs et reverse, par exemple, l’argent de ses directs sur TikTok à l’association toulousaine LMVA qui aide les sans-abris.
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