Le Journal Toulousain donne la parole à François Piquemal, conseiller d’opposition à Toulouse Métropole. Il souhaiterait que la collectivité cesse de participer au Marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM) de Cannes.
Ce jeudi 24 juin la Métropole vote encore la participation d’une délégation accompagnée d’ « autres partenaires financeurs » dont la Chambre de Commerce et d’Industrie et la Fédération des Promoteurs Immobiliers d’Occitanie, le tout pour un total de 258 077 euros.
Rappelons ce qu’est le MIPIM, pour bien comprendre les enjeux. Il s’agit du Marché International des Professionnels de l’Immobilier créé en 1992 et se tenant traditionnellement à Cannes.
Investisseurs, promoteurs, collectivités publiques, banques y font des affaires durant une petite semaine. Les collectivités publiques vendent des terrains et des grands projets d’urbanisme aux promoteurs. Les promoteurs vendent à des investisseurs, lesquels empruntent aux banques, puis louent ou vendent aux accédants.
Pendant ce temps, les juristes, les fiscalistes et les urbanistes s’échangent les bonnes recettes pour faire monter les prix, déréguler les loyers, placer les profits dans les paradis fiscaux, lesquels sont réinvestis dans un autre programme immobilier.
Tout se vend au MIPIM, le patrimoine des États et des collectivités territoriales, les quartiers populaires centraux ou périphériques comme à Moscou, Paris, Istanbul, Berlin, Londres, Dublin, Varsovie, Budapest… Les terrains sur lesquels sont plantés des bidonvilles, à Mumbay, Luanda, Rio de Janeiro, ou Sao Paolo. Les terrains des déguerpis de Bamako, de Ouagadougou…
On y vend notre patrimoine, nos quartiers, nos lieux de vie remplacés par des projets d’urbanisme, la construction de tours de bureaux, de quartiers d’affaires, de terrains de golf, et autres grands projets inutiles comme Notre-Dame-des-Landes échafaudés à Cannes.
Depuis 2005 Toulouse Métropole participe aux salons de l’immobilier de l’entreprise SIMI et MIPIM. C’est d’ailleurs depuis le MIPIM que M. Moudenc avait annoncé en 2017 la construction de celle qui était appelé alors la « Tower Occitanie » (devenue ensuite “Tour d’Occitanie”) avec la Compagnie de Phalsbourg, et dont on ne sait plus trop où elle en est.
Les MIPIM contribuent à mondialiser la spéculation, rationaliser le renchérissement immobilier, contraignant les populations à payer toujours plus cher pour se loger, o se loger toujours plus loin.
Ils contribuent à produire des crises qui ébranlent les économies et appauvrissent les peuples. Les crises en Espagne, en Grande-Bretagne, en Irlande ou aux USA ont commencé par des bulles immobilières avec pour conséquence, par exemple, la mise à la rue de 4 millions de familles aux États-Unis, des milliers de suicides en Espagne…
En 2020 le Mipim est entré dans une nouvelle dimension avec une semaine à Paris intitulée la « Paris Real Estate Week » consacré à la « PropTech » avec des start-ups spécialisées dans les métiers de l’immobilier et du logement.
Tirés par les « licornes » des USA et de Chine, des monstres de l’immobilier et du logement sont en gestation, en vue d’extraire de nouvelles richesses dans tous les secteurs du logement. Que cela soit en matière de construction ( 3D, drones…), gestion locative (locations temporaire, bail électronique, visite et serrures virtuelles, profilage des candidats…), transaction immobilière (profilage des acquéreurs et des vendeurs, visites virtuelles, blockchain…), contrôle social généralisé ( reconnaissance faciale, caméras connectées, DATA, objets connectés permettant la mise en place d’une évaluation et d’une notation généralisée de chaque individu…).
Ce système de contrôle social, dit de « Tripadvisorisation » se met en place, de façon officielle en Chine, de façon plus insidieuse en Europe. Partout, il risque d’impacter nos relations sociales, nos attitudes, et même influer sur nos sentiments et notre pensée … Ils font partie de la PropTech.
Toutes ces entreprises gravitent dans les milieux de la finance internationale, les GAFAM, sans oublier les milieux traditionnels de l’immobilier qui comptent bien participer à ce nouvel eldorado.
Ce “salon” construit de nouvelles menaces pour les habitants des métropoles, comme on le voit avec UBER, Airbnb, entraînant spéculation et surexploitation.
Sans contrôle de la puissance publique le MIPIM met en place un risque d’accélération de la marchandisation du logement et de la ville, l’éloignement forcé des populations modestes du centre des métropoles et le renforcement des discriminations socio-spatiale, la montée en charge du sans-abrisme et des expulsions.
Pour toutes ces raisons Toulouse Métropole ne doit pas être suiviste et n’a pas nécessité à se rendre au MIPIM cette année, ni les suivantes d’ailleurs. D’ailleurs Toulouse Métropole n’a pas besoin du MIPIM pour être attractive vis à vis des promoteurs. D’où l’interrogation sur cet argent public dépensé.
En effet la délibération nous annonçant la participation de Toulouse Métropole via sa délégation fait état de 115 690 euros injecté par cette dernière pour compenser la plus faible contribution financière de la CCI (Chambre Commerce et Industrie) sur les 258 077 euros totaux, liée à l’annulation de la précédente édition.
Parmi les autres partenaires, il est étonnant que la Fédération des Promoteurs Immobiliers d’Occitanie ne participe qu’à hauteur de 5 741 euros, soit seulement 2 % de la somme engagée.
On aurait pu en effet attendre qu’elle contribue d’avantage à l’effort vis à vis du manque d’investissement de la CCI étant donné la vitrine que lui offre cette délégation. Surtout lorsque l’on sait qu’a été récemment attribué un large cadeau de départ à l’ancienne présidente de la Fédération des Promoteurs Immobiliers de près de 200 000 euros. Cadeau qui a d’ailleurs, à raison, fait grincer beaucoup de dents beaucoup de membres de la FPI.
Cela étant posé, ce débat sur la participation au MIPIM est l’occasion de proposer une bifurcation à Toulouse Métropole au sujet de son rapport à l’immobilier, qu’ils soit éthique et écologique.
Ethique d’abord en convenant avec les promoteurs d’une une charte éthique engageant notamment à ne pas faire de lobbying auprès des élu-e-s. Ainsi en 2019 une ancienne adjointe de M. Moudenc était soupçonnée d’avoir aidé un promoteur dans le concours de Dessine moi Toulouse. De même les conditions dans lesquelles se sont déroulées l’événement Toulouse 2030 organisé par les promoteurs ont également posé des questions éthiques. Plus récemment encore le journal Le Monde nous apprenait qu’une actuelle adjointe de M. Moudenc participait à des dîners sur les Champs Elysées aux frais de la Fédération Nationale des Travaux Publics.
Ecologique ensuite, alors que le Conseil Métropolitain se tient ce jeudi au nouveau Parc des Expositions « MEET » jugé surdimensionné par de nombreux observateurs, il serait pragmatique de l’utiliser à l’avenir pour proposer un salon de l’immobilier orienté sur la transition écologique et sur la maîtrise des prix du foncier. En incluant notamment des PME, artisans spécialistes de la rénovation des logements thermique ou phonique, la réhabilitation des 240 000 m² de bureaux vides que compte notre agglomération. Et en y donnant une place forte aux habitant-e-s pour élaborer les paysages urbanistiques de demain, aux circuits courts, à la formation professionnelles et à la filière BTP (Bois Terre Paille).
A l’heure où le nouveau rapport du GIEC est alarmant et déclare que « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement », un tel salon serait innovant,et tendrait à répondre aux enjeux écologiques imminents.
En tant que Vice-Président de France Urbaine, M. Moudenc peut jouer un rôle moteur auprès des autres villes hexagonales intéressées, et même celles qui à l’étranger cherchent à répondre concrètement à l’enjeu écologique à l’instar de Barcelone.
Voici un chemin d’avenir qui rompt avec des salons immobiliers n’ayant comme seul objet que la spéculation. Toulouse Métropole doit rompre avec ce dogme mortifère et proposer un chemin ambitieux pour le futur de ses habitant-e-s. »
François Piquemal est conseiller d’opposition à Toulouse Métropole
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